Avril 2014
Floréal n°96 - Mars 2014
C’est bien connu, les arbres ne bougent pas et la forêt semble parfois échapper aux mutations qui s’opèrent dans notre quotidien. Pourtant, à y regarder de plus près, les changements ont été profonds en 50 ans et ont conduit les forestiers à s’adapter continuellement pour répondre aux nouveaux défis. Quelques exemples, nécessairement partiels, permettent d’illustrer ces évolutions en Lorraine-Alsace.
Dans les années 1970, ce sont les éclaircies résineuses dans les plantations d’épicéas d’après-guerre qui préoccupent nos prédécesseurs dans le massif vosgien. Il faut convaincre de "désépaissir" pour favoriser la croissance des plus beaux arbres. Le contexte économique est difficile pour l’écoulement des petits bois et les habitudes conservatrices tenaces ! Néanmoins, les techniques s’affinent et les propriétaires les acceptent progressivement. L’implantation de la papeterie de Golbey apportera un avantage décisif dans ce cercle vertueux en offrant, avec la papeterie de Strasbourg, des débouchés aux produits d’éclaircies.
En plaine, c’est encore l’époque des enrésinements sous abri, voire des coupes rases de taillis-sous-futaie suivies de reboisements avec des fortunes diverses. Pour les régénérations naturelles, seule la brosse de semis dense et d'une seule essence est digne du bon forestier.
Dans les années 80, la nécessité de penser autrement s’installe, notamment pour nos peuplements de plaine où la plantation de feuillus commence à progresser. Les mélanges d’essences gagnent aussi en importance. C’est la grande époque des feuillus précieux : merisier, frêne, noyers, etc... Les feuillus sociaux, chênes et hêtre, ne sont pas oubliés et l’on travaille également à l’amélioration par "balivage" des peuplements constitués afin de tirer partie de "l’existant".
A la même période, sous l’impulsion de quelques ingénieurs, dont notre spécialiste des stations forestières Anne Madesclaire, les guides "pour l’identification des stations et le choix des essences" voient le jour. Versions simplifiées des catalogues de stations, ils permettent d’établir un diagnostic précis des potentialités du sol. Le forestier peut ainsi, à l’aide d’observations simples sur le terrain, choisir les essences les mieux adaptées à la station. Financés par l'État et les Régions Alsace et Lorraine, ces guides ont notamment beaucoup servi à l’occasion des projets de reboisement post-tempête. Aujourd’hui, notre inter-région est presque entièrement couverte par ces outils. Le premier avait vu le jour dans le Sundgau en 1989. Le guide du Plateau Lorrain devrait voir le jour en fin d’année.
Toujours à la même époque, et souvent avec les mêmes partenariats, apparaissent les typologies de peuplements. Initiés dans les années 80 en Franche-Comté, ces documents permettent de décrire de façon simple, rapide et objective les peuplements forestiers. Ils permettent également d’obtenir, assez rapidement, une estimation du volume sur pied à l’endroit de la prise de mesure. Enfin, ils délivrent des conseils sylvicoles adaptés aux types de peuplements rencontrés dans nos forêts et constituent des outils pratiques pour les propriétaires et gestionnaires.
Parallèlement, le choix de traiter les forêts en futaie irrégulière s’étend et, à nouveau, les techniciens s’adaptent pour se former et former les propriétaires à ce "nouveau" mode de traitement.
Les forestiers ont toujours intégré les fonctions environnementales et sociales à leur raisonnement. Ces préoccupations se font cependant de plus en plus prégnantes au fils des ans.
Natura 2000, zones de protection diverses, préservation des cours d’eau, du paysage, autant de sujets supplémentaires à intégrer à la gestion forestière. Pour y répondre, le CRPF s’implique dans la connaissance des milieux, adapte ses guides et typologies et produit de nouveaux documents pour aider les propriétaires forestiers tout en préservant l’objectif de production du bois. C’est ainsi que naissent les guides "biodiversité" et "Tétras", ainsi que de nouveaux outils comme l’indice de biodiversité potentielle. Enfin, la certification forestière devient un élément incontournable du paysage forestier.
Les conséquences de la tempête sont très importantes, il faut (ré) apprendre les techniques de nettoyage et de reboisement dans ces conditions si particulières. La mécanisation prend son essor et les pratiques doivent évoluer pour prendre en compte cette nouvelle donne. Si les apports de la mécanisation sont indéniables sur la pénibilité du travail et sur les coûts d’exploitation, il est nécessaire d’en encadrer les pratiques pour préserver les sols et les peuplements. Les cloisonnements se généralisent.
Un mouvement général de réflexion sur les méthodes sylvicoles accompagne l’après-tempête : que faire pour bâtir des peuplements plus résistants aux aléas ? Comment réduire les coûts en sylviculture ? Les réflexions ont abouti à des guides et brochures largement diffusés auprès des propriétaires.
Les rapports des scientifiques se succèdent et la perspective d’un changement climatique durant le siècle prochain se précise. Le CRPF se mobilise aux côtés des chercheurs pour délivrer les conseils les plus pertinents face à ce nouveau contexte.
On le voit, les challenges n’ont pas manqué au cours de ces cinquante années. Gageons que cela ne s’arrêtera pas là !
Notre responsabilité commune est d’y faire face pour que notre filière forêt-bois perdure pour le bénéfice de tous.
Cyril Vitu, Stéphane Asaël - CRPF
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