Avril 2016
Alexandre Grosjean a 35 ans, il est médecin urgentiste et, depuis quelques années, il rachète des parcelles dans l'optique de reconstituer des unités de gestion plus conséquentes. Il possède aujourd'hui plus de 60 hectares en Meurthe-et-Moselle dans lesquels il travaille et façonne les peuplements," confiant dans la nature qui fera elle-même sa sélection", mais conscient de l'importance de "l’aider et de la guider".
Je ne suis pas issu d’une tradition familiale forestière, mais, dès mon plus jeune âge, l’appel de la forêt était présent grâce à différentes activités, telles que le scoutisme, les randonnées, ou encore les sorties familiales en forêt. Le déclic est intervenu quand nous avons emménagé dans la maison familiale de Pont-à-Mousson, avec son petit bout de forêt laissé à l’abandon. J’ai découvert au fil des années comment sélectionner, éclaircir, et prendre soin des arbres. Lors de la tempête de 1999, la propriété a vraiment été très endommagée. Avec mon père, nous avons procédé au déblaiement des chablis, au nettoyage. Nous avons scié, tronçonné, fait du bois de chauffage,… Cela nous a pris du temps, mais c'est là, sur le terrain, que s'est concrétisé ce besoin que je ressentais d'être dans la nature.
Je travaille dans l'urgence, dans le stress, la vie est si "ténue" parfois…
Ce rapport au temps, à la nature, et plus précisément aux arbres qui sont dans un cycle temporel totalement différent, me sert de soupape, me permet de décompresser. Après les gardes, je me ressource en forêt.
La première parcelle que j'ai acquise était à côté de la propriété familiale, c’était une ancienne friche agricole, elle était délaissée, abandonnée. J'ai continué à acheter au plus près afin de constituer une unité de gestion intéressante. J'ai ensuite rencontré un homme de confiance, Jean Lecocq, technicien du CRPF qui travaille sur le PDM du Rupt-de-Mad. Il me tient informé des parcelles à vendre, à échanger.
Je salue d'ailleurs l'opportunité de bénéficier des aides du Conseil général de Meurthe-et-Moselle en faveur du foncier (échange, restructuration, puis éventuellement fusion de parcelles), et j'ai actuellement plusieurs dossiers déposés. Je choisis des parcelles - même si elles sont considérées comme difficiles, ou peu valorisables dans l’immédiat - dans l'optique de reconstituer des unités de gestion avec des caractéristiques variées. Un autre de mes défis est la valorisation et la transformation d'anciennes friches agricoles en parcelles sylvicoles, sur le long terme. J'ai aujourd'hui plus de 60 ha et ma plus grande superficie se trouve à Onville avec 37 ha, mais pas d'un seul tenant.
Je préfère des peuplements issus de régénérations naturelles, qui donnent un bon éventail de ce que les sols sont à même de produire, et je suis confiant dans la nature, qui fera elle-même sa sélection, tout en l’aidant et en la guidant. Quoiqu'il en soit, produire de la grume est l'objectif de tout sylviculteur. Pour m’aider au quotidien, pour localiser une parcelle ou en définir les limites, j’utilise les outils tels que Iphigénie, Géoportail, ou encore maforêt.net. Les types de peuplements ne constituent pas le facteur déclenchant, j'aime façonner les peuplements. La monoculture est, je pense, derrière nous.
Les forestiers ont un rôle important dans la préservation de la nature et dans l'aspect paysager. Comme les agriculteurs, d'une certaine manière, nous façonnons les territoires. Je suis respectueux de la nature, de la biodiversité ; je laisse des bois morts, parce qu'ils sont nécessaires au maintien, à la survie de certaines espèces. Je suis attentif à garder une diversité d'essences dans mes parcelles. Même lorsqu'un arbre est mal conformé, s'il représente une essence peu présente, je le conserve. Et, je suis respectueux des sols, c'est là que les arbres puisent leur nourriture : ne pas les tasser est vital !
Je possède nombre de livres forestiers, je suis abonné à plusieurs magazines, mais se former sur le terrain est tellement plus "porteur" ! J'ai suivi, en 2014, le cycle de FOrmation à la GEstion FORestière, j'y ai beaucoup appris. L'approche est très bonne et les sujets, diversifiés, sont présentés par des praticiens confirmés. Les diverses problématiques sont abordées sous des aspects qui ne peuvent que susciter l'intérêt. Le fait de changer d'endroit, d'aller dans différentes forêts, d'être accueilli par les propriétaires et/ou les gestionnaires est riche d'enseignements.
Le cycle de perfectionnement débute en avril et sera, je l'espère, tout aussi enrichissant !
Bien sûr que c'est intéressant d'observer et de comprendre les motivations et les sensibilités des forestiers. Chacun avec son histoire, chacun avec sa surface - de quelques ares à plusieurs centaines d'hectares - chacun avec sa problématique propre.
Des profils bien différents, mais tous ces forestiers ont accepté ce rapport particulier au temps induit par la forêt : un raisonnement sur du long long terme.
Interview réalisée par Marie-Françoise Grillot - CRPF
REMONTER EN HAUT DE PAGE
Besoin
d’un avis,
d’un conseil ?