Décembre 2016
André Faraüs est retraité depuis 11 ans déjà ! Cet ingénieur des arts et métiers, au regard bleu, dynamique et actif, est riche d'une belle carrière professionnelle. Elle s'est déroulée sous différents horizons, au Brésil pour la construction du métro de San Paolo, dans différents secteurs, comme la métallurgie, la menuiserie industrielle chez Lapeyre,… Il consacre aujourd'hui beaucoup de son temps libre au bénévolat associatif. Il apporte, avec passion et sincérité, ses connaissances, sa pédagogie, au soutien d'enfants en difficultés scolaires. Il participe aussi à la belle expérience "Lire et faire lire", qu'il pratique jusque dans les crèches, auprès des tout petits,… Mais il garde bien évidemment du temps pour s'occuper de sa forêt meusienne. Il la regarde comme un esthète, mais aussi comme un homme conscient que ce patrimoine riche, fragile, doit être préservé tout en étant valorisé.
Même si je suis devenu champenois, je suis né en Lorraine, à Foug (54), où mes parents tenaient un commerce. Ils travaillaient beaucoup, énormément même. Mon père avait peu de loisirs, mais il aimait les forêts et il a commencé à en acheter. Ma mère, quant à elle, achetait des maisons… Ils avaient peu de temps à nous consacrer, mais ils se sont "employés" à transmettre un bien à chacun de leurs 5 enfants.
J'ai hérité de ce massif il y a 40 ans, j'étais alors en pleine activité professionnelle. Bien sûr, j'y avais un peu travaillé avec mon père, mais mes connaissances sylvicoles demeuraient très limitées. Aimer les arbres, leur forme, leur sensualité, leur vigueur, leur esthétique, aimer l'ensemble qu'ils forment en forêt, la détente qu'ils procurent lorsque l'on s'y promène, tout cela était loin d'être suffisant pour en assurer la belle pérennité. Ces arbres, dont je me trouvais "responsable", devaient être bien gérés. Et pour cela, il me fallait une personne compétente, un "homme de l'art". J'ai eu la chance de le rencontrer, il s'appelait André Berte, forestier passionné, fondateur du Gedefor*. Il m'a conseillé, accompagné, ainsi que ses successeurs, Frédéric Cordier et aujourd'hui Julien Grisneaux.
La forêt se trouve sur plateaux calcaires en vallée de l'Aire, à la limite du Barrois et des Côtes de Meuse. Les sols sont riches. Le peuplement est constitué d'un mélange de futaie de hêtre dominant et de taillis de feuillus mélangés. On trouve du chêne sessile, du merisier, de l'érable sycomore, du frêne, de l'alisier torminal,... Mon père avait planté beaucoup de résineux, à l'époque, avec le FFN c'était facile, mais il faut reconnaître que ça n'a pas été une réussite.
En 1999, j'ai fait une vente de gros bois, dont des alisiers qui se vendaient alors très bien. La tempête a frappé alors que les bûcherons exploitaient, cela m'a assurément aidé pour évacuer les chablis. Ensuite, de petites zones ont été laissées en régénération naturelle et des plantations ont été réalisées : 6 ha en feuillus précieux et 5 ha en hêtre. Bien sûr, il faut se battre contre la ronce et la clématite, et la canicule de 2003 m'a aussi obligé à refaire certaines plantations. Je me demande aussi pourquoi ne pas replanter quelques résineux en bandes ? Une belle plantation voisine de douglas-mélèze me dit qu'il faudrait peut-être réessayer… Diversifier résineux-feuillus me tente bien…
Cloisonnements, dégagements, tailles de formation, coupes d'amélioration : en fait, je m'applique à suivre à la lettre les directives définies dans mon plan simple de gestion établi par le Gedefor. C'est un document précieux pour la forêt, ET pour le propriétaire, je pense que tous les sylviculteurs en sont convaincus maintenant.
La forêt a un rôle extrêmement important, c'est un patrimoine naturel et vivant. Elle est fragile aussi, par les tempêtes, les sécheresses, les risques sanitaires, le réchauffement climatique. Je pense qu'il faut totalement abandonner la monoculture, diversifier au maximum et déterminer les essences qui seront les plus résistantes. Je suis conscient mais confiant. De plus, nos forêts doivent continuer à produire du bois d'œuvre. Le bois énergie, le bois d'industrie, oui, nous en avons besoin mais le bois d'œuvre demeure l'objectif "noble" de nos arbres.
Enfant, j'allais en forêt avec mon père, j'ai reproduit cela avec mes enfants. J'ai pris la ferme décision de ne pas scinder la forêt, je ne la partagerai pas ! Je refuse de participer au morcellement qui est très certainement l'un des maux de nos forêts. J'envisage de la donner à mon fils qui manifeste le plus d'intérêt pour la sylviculture. Et dans la transmission, j'insérerai une clause : que la gestion soit toujours supervisée par un organisme, une personne dont c'est le métier. Nous sommes responsables d'une parcelle de territoire, c'est pour moi un devoir "civique" de bien s'en occuper !
Le Gedefor représente pour moi une caution de bonne gestion. C'est notamment pour cela que j'ai accepté d'en devenir administrateur en 2013 et que j'ai aussi accepté de témoigner, lors de la manifestation organisée pour fêter les "50 ans", le 3 septembre dernier à Lacroix-sur- Meuse. De nombreux adhérents étaient autour du président Claude Berthélémy, et des membres du personnel, pour exprimer leur confiance et leur reconnaissance. Une vidéo laissait la parole aux adhérents et elle était 'entrecoupée' de témoignages d'adhérents présents. J'ai été heureux de pouvoir ainsi exprimer ma gratitude.
Interview réalisée par Marie-Françoise Grillot – CRPF
* Groupement de Gestion et de Développement Forestier de la Meuse
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