Juillet 2018
L’année 2017 a été marquée par des conditions climatiques plutôt défavorables à la végétation forestière. Retour sur les problémes sanitaires majeurs (hors chalarose).
La sécheresse printanière a été défavorable aux jeunes plantations, mais les fortes mortalités ont été rares.
Mi-janvier, la tempête Egon a touché les Ardennes, la Marne et le nord meusien et a occasionné plusieurs milliers de m3 de chablis et volis d’épicéa, de douglas et de hêtre.
Les gelées tardives de fin avril-début mai ont endommagé les pousses de feuillus et de certains résineux, particulièrement sur semis et jeunes plants. Les hêtraies acidiphiles du massif vosgien et de sa périphérie ont également été touchées : un déficit foliaire important lié à un phénomène de microphyllie (feuilles anormalement petites) a été observé sur des hêtres adultes. Le gel tardif, intervenant sur des arbres déjà affaiblis par les épisodes passés de sécheressecanicule et la fructification abondante de 2016, sont probablement à l’origine de ce phénomène.
Attaque de Sphaeropsis sapinea sur pin sylvestre à Les Ricey (10)
Cependant, les déficits hydriques récurrents depuis 3 ans ont contribué à affaiblir certaines essences en limite stationnelle. Des rougissements du sapin pectiné, par bouquets ou en arbres isolés, ont ainsi été observés dans le sud du massif vosgien. Ces mortalités liées au stress hydrique sont notées depuis plusieurs années, particulièrement en versant sud, à basse altitude ou sur sol peu profond. Elles se sont accentuées en 2017, à la faveur d’attaques d’insectes souscorticaux (scolytes, pissode), favorisées par l’affaiblissement des sapins.
De nombreuses attaques de Sphaeropsis des pins ont été signalées sur l’ensemble de la région. Ce champignon provoque un dessèchement des pousses de l’année ainsi qu’un dessèchement partiel ou total de branches et/ou de cimes sur arbre adulte. Les peuplements de pin sylvestre sur stations à faible réserve en eau ont été fortement impactés : plateaux calcaires du sud de la Haute-Marne et de l’Aube, forêt de la Harth dans le Haut-Rhin. Là encore, les épisodes de sécheresse des années passées ont affaibli les arbres, alors plus sensibles à ce pathogène.
8000 ha défoliés par la processionnaire du chêne près d’Etain (55)
Parmi les insectes, les attaques du typographe, scolyte de l’épicéa, ont plutôt été en augmentation, mais les foyers sont majoritairement restés de faible envergure. La processionnaire du chêne paraît en nette extension dans de nombreux massifs du Grand Est. De fortes pullulations avec défoliations importantes ont été observées entre le lac de Madine et Etain, et plus localement en Champagne humide et dans la plaine lorraine. Des premières pullulations de processionnaire du pin ont été observées dans l’Aube, où elle apparaît désormais bien implantée, tout comme dans le sud de la Marne.
Cette synthèse est réalisée à partir du "Bilan 2017 de la santé des forêts en région Grand Est" édité par le Pôle Interrégional de la Santé des Forêts du Nord-Est.
Les techniciens départementaux du CNPF sont aussi Correspondants-Observateurs pour la Santé des Forêts. Vous pouvez les contacter en cas de problèmes.
En 2008, en Haute-Saône, un Correspondant Observateur du Département de la Santé des Forêts signale des symptômes nouveaux de dépérissement des frênes. Le 1 er signe détecté est le dessèchement de l’extrémité des branches dans le houppier. Le lien est rapidement fait avec une maladie émergeante présente dans l’Est de l’Europe depuis le début des années 1990 et dont la responsabilité est attribuée à un champignon : le Chalara fraxinea. Les enquêtes lancées par le DSF font apparaître fin 2009 que les régions Alsace, Lorraine et Franche-Comté sont contaminées.
Avancée de la Chalarose du frêne en France de 2008 à 2016
Depuis 2008, la recherche a retracé l’histoire de cette invasion. Ce champignon est originaire de l’Est de l’Asie où il cohabite avec les frênes locaux, sans engendrer de dépérissement.
La forme asexuée du champignon Chalara fraxinea est identifiée dès 2006 (sa forme sexuée Hymenoscyphus pseudoalbidus ne sera décrite qu’en 2010). À cette période, son impact est observé dans les houppiers. Le champignon pénètre dans les feuilles, conduisant à leur dessèchement dans un 1er temps, puis à celui des petits rameaux pour aller jusqu’aux branches entières. Le frêne peut alors réagir en produisant des gourmands pour compenser la perte de masse foliaire. En 2012, l’INRA de Nancy met en évidence que des nécroses au collet, décrites dans le reste de l’Europe mais attribuées à tort à l’Armillaire (un champignon opportuniste), sont en fait initiées par H. pseudoalbidus.
Ce 2nd symptôme se révèle beaucoup plus mortifère. En effet, si le dépérissement des houppiers conduit à la mortalité des jeunes plants jusqu’au stade perchis, les nécroses au collet entraînent la mortalité des arbres (à partir de + 75 % de la circonférence au collet nécrosée, 20 à 50 % de mortalité l’année suivante, en fonction du diamètre des arbres). Ces nécroses sont plus fréquentes dans les régions plus anciennement contaminées. L’étendue de ces 2 symptômes, collet et houppier, n’est pas systématiquement corrélée : des arbres présentant un faible déficit foliaire peuvent avoir + de 75 % de leur circonférence nécrosée. Malgré ces 2 zones d’impact, il est clairement établi que C. fraxinea n’est pas une maladie vasculaire.
Les programmes de recherche ont permis de confirmer qu’il existe une proportion des frênes asymptomatiques de 1 à 5 % des individus : pas ou peu de signe de la maladie, dans un environnement où le champignon est bien présent. Et cette résistance est transmissible à la descendance. Ce point est à la base des premiers conseils transmis aux forestiers : ne pas couper systématiquement tous les frênes afin de préserver une population résistante. Autre point, la densité de spores détermine le développement des nécroses au collet. Or ces spores sont issus des fructifications du champignon sur les pétioles. Si ce cycle est contrarié, les arbres présentent moins de symptômes : ce peut être le cas en ville (ramassage des feuilles), ou en forêt dans des peuplements mélangés à faible surface terrière de frêne et après une 1ère éclaircie.
En Pologne, où le frêne couvre 33 000 ha, les 1ers symptômes de dépérissement apparaissent en 1992 dans le nord-est pour atteindre tout le pays en 2001. En 2006, le professeur polonais Kowalski identifie pour la 1ère fois la forme asexuée du champignon pathogène, Chalara fraxinea.
Le travail de recherche s’oriente surtout vers la conservation des ressources génétiques du frêne à partir de prélèvements réalisés sur des arbres asymptomatiques, dans la perspective de futures créations variétales. Une moindre sensibilité à la maladie des frênes "précoces" qui débourrent tôt au printemps et perdent leurs feuilles tôt à l’automne a été observée.
Parmi les préconisations de gestion, on peut noter :
En Allemagne, moins de 10 ans se sont écoulés entre les 1ères observations de la chalarose dans le nord-est en 2002 et son expansion à tout le pays. Le frêne y occupe 215 000 ha. Les différents Länder ont lancé des expérimentations variées, avec des résultats parfois contradictoires.
Un consensus se dégage cependant sur les principales recommandations de gestion :
Comme en Pologne, un repérage de frênes sains a été mené et a conduit à la création de vergers à graines. Mais les plantations de frêne restent jusqu’à présent déconseillées. Une recherche sur des essences alternatives au frêne est menée localement. Une tendance positive se dégage dans l’évolution de la maladie dans les régénérations naturelles, où l’on observe jusqu’à 30 % de semis sains.
C. Négrignat, M. Baumeister, J-B. Wokan - CNPF
Interview de M Chopin, co-gérant d’un groupement forestier de 230 ha dans la Marne
Quelle est l’importance du frêne dans votre forêt ?
Le frêne est la 2ème essence de la réserve après le chêne. Il en constitue une proportion importante dans certaines stations de plateau (jusqu’à 40 % en nombre de tiges) mais surtout dans le vallon.
Que connaissez-vous de la Chalarose ?
J’avais été intrigué en août 2009 par une mortalité suspecte dans une régénération de frêne du vallon. L’arrivée de la chalarose nous a été révélée dans les années suivantes par les agents du CRPF ; elle est devenue manifeste et générale dans la forêt en 2012. Ce que j’en connais est surtout par les brochures CRPF-IDF (biologie, cycle du champignon, nécrose du collet) et l’observation de terrain : forte mortalité en régénération, gaulis et perchis, atteinte aux houppiers variable d’une année à l’autre et d’un arbre à l’autre, encore peu de mortalité en bois moyens et gros bois.
Avez-vous modifié les objectifs et directives de gestion à la suite de l’apparition de la maladie ?
Le renouvellement du PSG en 2016 a été l’occasion d’intégrer la chalarose dans la réflexion. Compte tenu de la qualité des peuplements régionaux de frêne, nous ne renonçons pas à une régénération naturelle, en espérant que des souches résistantes se révèlent, mais en ayant des essences associées pour prendre le relais au besoin. Passage prévu tous les 3 ans en été dans les parcelles riches en frêne, périodicité à moduler en fonction de l’expérience qui sera acquise sur la résilience ou la rapidité de dégradation des frênes ; réserve des petits et moyens bois les plus sains dans l’espoir de maintenir des souches locales résistantes ; critères de martelage des arbres atteints (> 60 % du houppier disparu, ou collet nécrosé) ; exploitation sélective normale des gros bois, un peu plus systématique des très gros bois.
Qu’attendez-vous des attentes du monde forestier par rapport à la Chalarose ?
Du côté recherche, des retours réguliers de programmes comme Chalfrax. Du côté propriétaires et gestionnaires, une certaine solidarité pour ne pas tout couper tout de suite et inonder le marché, et pour donner ainsi une chance à l’émergence de souches résistantes, seul espoir de maintenir une frênaie pour les générations à venir.
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