Les densités de plantation ont régulièrement diminué depuis 50 ans. De 10 000 plants par ha, nous sommes descendus à 2000, voire 1000 plants/ha et moins. Cette évolution s’est accompagnée de débats passionnés. Aujourd’hui encore, les partisans des fortes et des faibles densités s’affrontent. FLOREAL vous propose de dépassionner les débats et d’examiner de plus près les arguments techniques développés par les deux écoles.
Floréal N°90 - Septembre 2012
Les densités de plantation ont régulièrement diminué depuis 50 ans. De 10 000 plants par ha, nous sommes descendus à 2000, voire 1000 plants/ha et moins. Cette évolution s’est accompagnée de débats passionnés. Aujourd’hui encore, les partisans des fortes et des faibles densités s’affrontent. FLOREAL vous propose de dépassionner les débats et d’examiner de plus près les arguments techniques développés par les deux écoles.
Comprendre le mécanisme de croissance des arbres
Les arbres ont des comportements différents selon leur environnement. Isolés, ils ont tendance à développer des grosses branches et, pour les feuillus, à étaler leur houppier, à l’instar de fruitiers dans un verger. Pour les résineux, si la dominance apicale (capacité, pour un végétal, à former un axe vertical grâce à une inhibition des pousses latérales) naturelle permet en général d’assurer la rectitude du tronc, l’isolement des arbres induit de très grosses branches et des troncs très coniques. C’est la compétition présente au sein d’un peuplement qui permet de pallier cette tendance spontanée et qui conduit les arbres à se développer en hauteur et à s’élaguer naturellement, ou à fabriquer des branches, et donc des noeuds, de plus faible diamètre. La compression au sein du peuplement a aussi pour effet de réduire la croissance en diamètre et, ainsi, la largeur des cernes.
De manière schématique, pour fabriquer une bille de pied de qualité, on peut distinguer trois voies :
- Planter à forte densité : les plants exercent une compétition entre eux.
- Planter à densité plus faible avec accompagnement par le recrû. La compétition est assurée par la repousse naturelle qui "gaine" les arbres plantés. Bien entendu, les essences présentes dans le recrû peuvent contribuer à alimenter le peuplement en arbres d’avenir. Le suivi des arbres plantés doit être rigoureux (taille, élagage si besoin).
- Planter à faible densité avec peu de recrû et mener une sylviculture d’arbre très suivie, avec taille de formation et élagages réguliers obligatoires. L’action humaine se substitue à l’action naturelle de la compétition. Reste que l’absence d’ambiance forestière est presque toujours un facteur défavorable à l’obtention d’arbres de forme satisfaisante.
(Photo : Cyril Vitu - CRPF / "Plantation de noyer noir et hybride à faible densité")
Bien analyser le contexte : un préalable indispensable
Avant tout, méfions-nous des discours formatés, méthode unique et universelle applicable par tous et partout. Un bon conseiller saura avant tout vous écouter, analyser l’environnement de votre parcelle et ensuite seulement, vous proposera une palette de choix possibles adaptés à votre situation, en mettant en avant avantages et inconvénients de chacun d’entre eux.
Les facteurs à prendre en compte sont nombreux :
- Antécédent cultural : cette notion influe principalement sur la quantité et la qualité du recrû ; un boisement de terres agricoles où seule l’herbe sera présente entre les plants les premières années est très différent d’un reboisement après coupe, où l’on peut espérer un accompagnement ligneux. De la même manière, un reboisement derrière un peuplement résineux dense laisse augurer une repousse assez lente du recrû (fonction de l’environnement de la parcelle).
- Essences introduites : les feuillus, comme indiqué ci-avant, ont des réactions différentes des résineux. Certaines essences, comme le hêtre ou le chêne, ont besoin de plus de compression que d’autres dans le jeune âge.
- La présence de gibier : une forte pression de gibier conduira à la mise en place de protections onéreuses, ce qui va influer sur le choix des densités pour pouvoir rester dans des coûts raisonnables.
- La situation de la parcelle (pente,…), la surface à reboiser, la disponibilité du propriétaire sont aussi des éléments déterminants : une plantation à basse densité qui oriente vers une sylviculture d’arbre nécessite un suivi très régulier. Le propriétaire doit donc appréhender sa capacité à faire les tailles et élagages nécessaires, soit lui-même, soit par délégation. En tout état de cause, si le suivi risque de ne pas être assuré de manière continue, il est préférable de retenir des densités plus importantes.
Cette énumération n’est pas exhaustive, le propriétaire doit donc consacrer du temps à étudier finement son projet avant de prendre sa décision. Le tableau ci-après donne des indications sur les avantages et contraintes des faibles et fortes densités.
(1) La qualité de la plantation est un facteur très important de réussite. Même à forte densité, la qualité se doit d’être soignée. Pour les très faibles densités, un travail mécanisé localisé, type culti-sous-solage, est recommandé.
Faire son choix
Evidemment, lorsque que l’on parle de faibles ou de fortes densités, il reste à définir les seuils. Opération délicate s’il en est puisque tous les intermédiaires existent. Pour fixer les idées, voici quelques densités utilisables par grands groupes d’essences. Attention cependant, de bien respecter les seuils de densité imposés en cas de bénéfice d’aide au reboisement !
Plantation de chêne rouge protégée contre le chevreuil - Photo : Cyril Vitu - CRPF
Pour les résineux, comme l’épicéa et le sapin, les densités les plus courantes sont de l’ordre de 1.100 à 1.600 plants par ha, voire 2.000 pour le sapin. Des plantations inférieures à 1.000 plants par ha sont considérées comme basse densité. Pour le douglas et le mélèze, les densités sont en général moindres, comprises entre 800 et 1.100 plants par ha.
Dans certains cas, comme en présence de régénération naturelle intéressante, on peut opter pour des plantations à basse densité (400 à 600/ha) afin de "sécuriser" la régénération ou introduire du mélange.
Pour les feuillus sociaux comme le chêne et le hêtre, les densités avoisinent celles des sapins et épicéas. Les feuillus dits précieux sont en général plantés à plus faible espacement : 600 à 800-1000 tiges/ha. Comme pour les résineux, des densités plus faibles sont envisageables en présence de recrû comportant des essences intéressantes.
Beau peuplement résineux issu de plantation dense - Photo : Marie-Françoise Grillot - CRPF
Ainsi, pour les feuillus, des densités de 400 plants/ha, voire moins, en complément de recrû, peuvent donner de bons résultats. Bien sûr, le suivi doit alors être très fin.
Enfin, citons les cas particuliers des noyers que l’on plante à des densités faibles, ou encore des peupliers qui sont plantés à densité définitive, soit 156 à 200 plants /ha, selon la richesse du terrain. Cette pratique est liée à l’utilisation de plants de qualité génétique très performante (cultivar) et repose sur un suivi individuel constant des arbres.
Mais la réflexion ne s’arrête pas au choix de la densité, il faut ensuite définir le dispositif de plantation. Cet aspect sera abordé dans un prochain numéro de FLOREAL.
Nous l’avons vu, il n’est pas de réponse unique en matière de choix de densité. Par contre, il peut y avoir des choix inadaptés à une situation donnée. Le propriétaire a donc tout intérêt à ne pas négliger l’étape d’analyse et de réflexion. Les techniciens de la forêt privée peuvent l’y aider en cas de besoin.
Cyril Vitu - CRPF