Août 2015
Depuis de nombreuses années, des efforts d'amélioration de la desserte des massifs de forêt privée ont été entrepris. Les subventions de l'Europe, de l'Etat et des Régions Lorraine et Alsace ont été décisives pour permettre la réalisation de nombreux kilomètres de routes forestières, de places de dépôt et de pistes de débardage. Au moment où les nouveaux dispositifs de financement sont en cours de finalisation, il nous paraît important de rappeler l'utilité d'une desserte et les grands principes de mise en œuvre.
"On a toujours pu sortir le bois et il n'y avait pas de route" ! Cette réflexion, souvent entendue, est exacte mais, dans l'économie actuelle, un réseau de desserte bien dimensionné c'est-à-dire ni trop ni trop peu est incontournable pour gérer les forêts dans des bonnes conditions techniques et économiques.
Il faut être attentif à une réalisation dans les règles de l'art. Dans nos régions d'Alsace-Lorraine, on peut distinguer 3 grands types de chantiers de routes forestières suivant les régions naturelles.
Sur les sols portants du massif à base de grès ou de granite, l'essentiel du travail va concerner le terrassement afin de créer la bande de roulement. A cette largeur, il convient d'ajouter au minimum 1 mètre d'accotements de part et d'autre. Cette largeur peut être notablement augmentée en fonction de la pente en travers, ou de la réalisation de fossés.
Dans les petites forêts privées où la taille des parcelles conduit à économiser chaque mètre carré, la coupe d'emprise ne peut être inférieure à 8 mètres d'arbres à arbres restant debout, mais il est préférable de faire les emprises plus larges, afin d’"aérer" la route pour qu’elle ne soit pas en permanence maintenue humide.
Terrassements sur la route de l’Ancerf à Faucompierre (massif vosgien)
Il faudra veiller à la pente en long qui ne doit absolument pas dépasser 12 % pour permettre la circulation des grumiers et assurer la durabilité de l'ouvrage. On sera également attentif à la pente des talus pour s'assurer de leur stabilité. Comme dans tous les chantiers de route forestière, dans la mesure du possible, on évite de déplacer les déblais.
Ce type de transport coûte cher. Il est donc important d'indiquer que les déblais, voire les souches, doivent être régalés soigneusement de part et d'autre de l'emprise sans endommager les arbres des peuplements et en préservant l'accès aux parcelles et aux pistes existantes.
Pour les matériaux, plusieurs options sont possibles. Sur certains terrains portants, on peut ne prévoir aucun apport, auquel cas on procède au compactage du terrain naturel. Sur un bon support, 20 cm de matériaux 0-50 suffisent à constituer la couche de base et la couche de fermeture. Plus classiquement, on met en place une couche de base (granulométrie des matériaux 0-200 sur un maximum de 30 cm d'épaisseur compactée), puis une couche de fermeture (matériaux 0-50 ou 0-31.5 sur 10 cm d'épaisseur compactée).
Enfin, l'évacuation des eaux de ruissellement devra être réfléchie, soit en posant des bois d'eau (qui peuvent être en fer !), soit en constituant dans le corps de chaussée, des cassures arrêtant l'eau de ruissellement.
Pour la création d'une route forestière dans ce type de contexte, le coût moyen se situe autour de 30 000 euros HT/km, et, dans des contextes particulièrement favorables, à 15 000 euros HT/km. Mais certains surcoûts peuvent se présenter : en cas de barre rocheuse, l'utilisation d'un briseroche ou du minage peuvent être nécessaires ou, autre cas, en présence de zones mouilleuses, on doit prévoir des purges, la constitution de drains et un apport de matériaux supplémentaires.
Enfin, il peut aussi être prudent de prévoir, dès les devis, des mètres linéaires de fossé amont afin d'évacuer d'éventuelles veines d'eau qui apparaitraient lors des travaux. Les mètres linéaires de fossés ne sont généralement pas très onéreux dans un projet global. Par contre, les passages busés (diamètre minimum 400) qu'il faut souvent leur associer sont, eux, plus onéreux.
Sur le Plateau lorrain, la Woëvre ou encore la Champagne humide que l’on rencontre dans le sud-ouest de la Meuse, le contexte est très différent. Des sols mouilleux, parfois gorgés d’eau nécessitent des moyens conséquents.
Un fossé de chaque côte pour une route à Vaxoncourt (Plateau lorrain)
Une emprise de dix à douze mètres au minimum est nécessaire, pour permettre la création de fossés, un de chaque côté de la chaussée en général, de forme trapézoïdale, d’une profondeur de 80 cm environ. En général, on utilise un géotextile en fond, avant d’empierrer en calcaire d’une granulométrie de 0 à 200 mm, sur une épaisseur de 50 à 60 cm compactée dont la surface sera broyée, mise en forme et compactée pour la couche de fermeture. Cette technique a l’avantage de bien répartir la taille des différents éléments à la surface de la route qui assureront une bonne fermeture et étanchéité de la chaussée. Le géotextile évite la contamination par les argiles, mais a également un rôle mécanique.
Il arrive parfois que le fond de l’emprise, trop mouilleux, rende impossible la mise en place du géotextile. Il est alors remplacé par un empierrement supplémentaire de 10 à 20 cm.
Dans des conditions extrêmes, sur des zones ponctuelles, un mètre d’empierrement peut s’avérer indispensable.
Le coût au kilomètre tourne autour de 60 à 70 000 euros, mais peut notablement être supérieur si la carrière est très éloignée.
De nouvelles techniques se développent avec l’utilisation des géogrilles qui sont des structures de polyéthylène haute densité, de type grillage. Elles permettent de transférer les charges dans les deux sens et de réduire l’empierrement de 10 à 15 cm environ.
La réalisation est la suivante sur des stations difficiles : géotextile, sur lequel on pose la géogrille, empierrement jusqu'à 30 cm en calcaire d’une granulométrie de 20/50 mm pour être filtrant et couche de fermeture de 10 cm en 0/30 mm.
Bien étudier le projet, le géotextile à 2 € le m², la géogrille à 4,5 € du m² représentent un coût de 22 750 € au kilomètre, cela peut s’avérer compétitif si le matériau calcaire est onéreux en raison de l’éloignement des carrières, par exemple.
Plaquettes calcaires de la route de Séraumont (plateau calcaire)
La création de route forestière sur les plateaux calcaires dans des bonnes conditions de portance tourne autour de 50 000 euros/km HT. L'apport de matériaux peut être faible car la dalle ou la plaquette calcaire n'est pas profonde, et par ailleurs les carrières d'approvisionnement sont proches. Dans ces secteurs, la construction d'une route forestière se limite à un apport modeste de matériaux, avec ponctuellement la pose de géotextile dans les zones humides. Lorsque la couche de base de la route est constituée de plaquettes calcaires, on peut prévoir le broyage de ces matériaux, afin de constituer la couche de fermeture. Cette technique est moins coûteuse qu'un apport de matériaux spécifique.
Voici quelques éléments pour vous aider à passer à l'acte. Votre gestionnaire et les techniciens de la forêt privées sont à votre disposition pour en discuter avec vous.
Catherine Négrignat, Jean-Pierre Corvisier - CRPF
Des aides à la création de dessertes incitatives en Lorraine et Alsace
Il est désormais acquis que les aides à la création de dessertes, qui viennent d'être remises à plat dans le cadre de la renégociation des programmes européens, sont maintenues. Elles seront probablement à hauteur de 50 % du coût des travaux pour les projets individuels, jusqu'à 80 % pour les projets collectifs, grâce à la participation du FEADER et du Fonds stratégique de l'Etat. Une exigence habituelle : le projet doit faire partie d'un schéma de massif, c'est-à-dire prendre en compte le réseau existant environnant. Une exigence nouvelle : la contractualisation des bois avec l'industrie régionale sera un plus pour la recevabilité du dossier.
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