Juillet 2014
Floréal n°97 - Juin 2014
La question mérite d’être posée alors que le monde de la chasse nous réclame des aménagements, ou une sylviculture, favorables au gibier. La majorité des schémas départementaux de gestion cynégétique met même à pied d’égalité, en cas de déséquilibre forêt-gibier, le tir de plus d’animaux et la pratique d’une sylviculture favorable au gibier pour retrouver l’équilibre. Ce fameux équilibre est-il une vue de l’esprit ?
Rassurez-vous, les schémas ne sont opposables qu’aux chasseurs, pas aux propriétaires. Par contre, l’administration doit en tenir compte et c’est elle qui attribue les plans de chasse.
Dans ce contexte, quelle marge de manoeuvre a le sylviculteur pour contribuer à l’équilibre en question ? Et avant de parler "sylviculture", de quel équilibre parle-t-on exactement ?
La corde existe bel et bien et l’équilibre est défini ainsi dans le cadre du code de l’environnement : "il tend à permettre la régénération des peuplements forestiers dans des conditions économiques satisfaisantes pour le propriétaire...". En sachant qu’un revenu de chasse pour une chasse à cerf peut atteindre 30 à 40 €/ha/an et que le coût d’une protection individuelle varie de 2 à 4000 €/ha, le revenu de la chasse fait augmenter la rentabilité de la forêt, souvent estimée entre 2 et 3 % par an, de + 0.5 % pour un revenu annuel de 40€/ha/an. Mais si l’on intègre les coûts de la pose d’une protection, la rentabilité chute en dessous de 2 %/an, soit une perte d’au moins 1/3 contre un gain de 15 %, voire 25 % au maximum.
L’équilibre ne peut donc être atteint que si l’on peut renouveler les essences majoritaires (Sapin, Chêne, Hêtre, Pin) sans devoir les protéger contre la dent du cerf.
Les propriétaires et chasseurs funambules ont donc à leur droite le plan de chasse comme appui et à leur gauche le milieu forestier plus ou moins accueillant au niveau alimentaire.
En cas de dégâts systématiques sur le milieu, comme l’abroutissement du Sapin ou du Chêne empêchant leur régénération sans protection, on ne voit pas comment rétablir l’équilibre par l’aménagement du milieu, alors qu’il est dégradé et que toute ronce qui apparaîtrait serait systématiquement consommée. Il y a donc lieu avant tout de diminuer les populations par le plan de chasse, pour permettre à la végétation de se réinstaller et surtout de se développer.
La sylviculture est la barre que porte le funambule pour rester sur la corde. Elle n’a aucune utilité une fois le funambule à terre. En effet, les études menées par l’ONCFS à La Petite Pierre nous montrent que les arbres tels le Sapin, l'Épicéa, sont consommés surtout à la fin de l’hiver en période de disette, c'est-à-dire que les cervidés préfèrent la ronce et la myrtille qu’ils consomment en priorité, ne s’attaquant fortement aux semis forestiers qu’après consommation de ces semi-ligneux.
Trois techniques spécifiquement mises au point par le CRPF et l’ONCFS sont conseillées aux propriétaires en cas de plantation ou régénération : "la plantation dans le recrû", "le cloisonnement faune sauvage" et pour les forêts plus âgées, "le pré-bois" (cf. description de ces techniques sur le site du CRPF Lorraine- Alsace, à télécharger). Elles ont pour objectif de faire apparaître des semi-ligneux pour détourner les cervidés des arbres forestiers sujets aux dégâts.
Le risque d’abroutissement et d’écorçage (pour le pré-bois) est ainsi diminué à condition que les semi-ligneux puissent se développer pendant la saison de végétation avant d’être consommés en fin d’hiver. Une sylviculture préventive, en quelque sorte...
Le sylviculteur aura donc tout intérêt, tel un maître verrier, à devenir "passeur de lumière" dans sa forêt, à condition que cerf et chevreuil ne lui fassent pas trop d’ombre... Et, avec l’expérience, l’équilibre forêt/gibier ne tiendra pas du funambule cherchant à le conserver, mais plutôt du pendule dont on essaie de minimiser les mouvements de va-et-vient.
Pascal Ancel - CRPF
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