Gestion, réglementation et administration
Mai 2024
La politique forestière portée par l’Etat et les collectivités en collaboration avec toutes les parties prenantes est définie à l’article L121-1 du code forestier. Ses financements sont conformes aux principes mentionnés à cet article dont l’enjeu d'assurer la gestion durable et la vocation multifonctionnelle, à la fois écologique, sociale et économique, des bois et forêts.
Les outils financiers de l’Etat pour soutenir sa politique forestière sont multiples dont notamment celui de la fiscalité pris sous l’angle de la fiscalité incitative mais aussi vigilante à la pérennité du capital forestier. Ainsi la fiscalité forestière va s’appliquer dans diverses situations qui concernent la propriété forestière et le propriétaire forestier.
Quels impôts pour un propriétaire forestier privé ?
Les propriétaires forestiers privés supportent pour l'essentiel quatre types d'impôts et de taxes à savoir :
Ces quatre impositions peuvent se résumer en impôts sur les revenus, la dépense et le capital.
Pour chacune de ces impositions, des exonérations sont possibles sous certaines conditions.
Dans certains cas, d'autres impôts et taxes peuvent s’appliquer notamment :
· L’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI, ex. ISF).
· Des plus-values sur les ventes de terrains forestiers, etc.
Bon à savoir
Les dispositions fiscales peuvent faire l’objet chaque année de modifications dans le cadre de la loi de de finance votée en décembre pour l’année suivante. Aussi, il est important de se tenir informé en faisant appel aux gestionnaires forestiers, aux syndicats départementaux de propriétaires forestiers (Fransylva), en se formant et en suivant la rubrique « Fiscalité » du site internet du CNPF.
L’ensemble des dispositifs fiscaux font par ailleurs l’objet de publications doctrinales consultables sur le site https://bofip.impots.gouv.fr/
Point de vigilance cas usufruit et nue-propriété
La forêt, comme d’autres biens peu faire l’objet d’un démembrement de propriété en usufruit et nue-propriété. Ainsi :
-l’usufruitier peut soit utiliser le bien pour son propre usage, soit le donner en location et en percevoir les loyers.
- le nu-propriétaire conserve le droit de disposer du bien en respectant les droits de l’usufruitier.
La nue-propriété et l'usufruit d’un bien forestier ont des conséquences en matière fiscale : les impôts fonciers et les impôts sur le revenu sont payés par l’usufruitier. Aussi, il sera nécessaire d’être vigilant lors des différentes démarches.
Focus sur les quatre principales impositions et les exonérations rattachées
La taxe foncière sur les terrains boisés
Les propriétaires fonciers sont redevables à l’impôt foncier qui s’applique aussi bien sur les propriétés bâties que les propriétés non bâties telles que les terres agricoles ou les forêts.
Cette imposition est annuelle. Elle est établie au nom du propriétaire au 1er janvier de l’année d’imposition ou de celui qui a la propriété utile (usufruitier par exemple) dans la commune où est situé le bien.
Les bénéficiaires en sont les communes, syndicats de communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ainsi que les départements pour la taxe foncière pour les propriétés bâties.
A noter
Depuis 2011, les départements et les régions ne perçoivent plus la taxe foncière sur les propriétés non bâties. Pour compenser la suppression des parts départementale et régionale, il a été créé une taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties dont le bénéfice revient aux communes et à leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Les « centimes forestiers » désignent quant à eux la part « forêt » de la taxe additionnelle sur le foncier non bâti (TATFNB). Ils représentent un montant total annuel de l'ordre de vingt millions d'euros et sont destinés à financer le développement forestier (actions portées par le CNPF, les COFOR, les Chambres d’agricultures et abondement du Fonds stratégique de la forêt et du bois géré par les DRAAF).
L’impôt est calculé sur la base du revenu cadastral réévalué chaque année et mentionné sur le relevé de propriété. Pour les biens en nature de bois, ce revenu cadastral est fonction de différents paramètres tels que la nature du bois et les classes de référence selon la qualité et la productivité.
Ainsi, la taxe foncière est ainsi égale au revenu cadastral multiplié par les taux d’imposition fixés par les différentes collectivités (communes, intercommunalités, taxe pour frais de chambre d’agriculture).
Nature des exonérations
Ø Pour les terrains ensemencés, plantés ou replantés en bois, l’exonération est accordée pendant 30 ans pour les plantations réalisées avant le 11 juillet 2001.
Après cette date, la durée de l’exonération est de 10 ans pour les peupleraies, 30 ans pour les résineux et 50 ans pour les feuillus et les bois autres que résineux.
L’exonération est accordée à compter du 1er janvier de l’année suivant celle de l’achèvement des travaux de plantation proprement dits.
Ø Pour les terrains boisés en nature de futaies ou de taillis sous futaie, autres que des peupleraies qui ont fait l’objet d’une régénération naturelle, l’exonération est de 30 ans pour les bois résineux ou 50 ans pour les bois feuillus et autres bois à partir du 1er janvier de l'année qui suit celle de la déclaration de réussite de la régénération. Le propriétaire adresse à l'administration des impôts, avant le 1er janvier de la première année au titre de laquelle l'application de l'exonération est demandée, une déclaration indiquant la liste des parcelles concernées et attestant de la réussite de la régénération naturelle ; cette déclaration ne peut intervenir avant le début de la troisième année ni après la fin de la dixième année suivant celle de l'achèvement de la coupe définitive.
Ø Pour les terrains boisés présentant un état de futaie irrégulière en équilibre de régénération, l’exonération est égale à 25 % du montant de la taxe et est renouvelable. Elle est accordée pendant les 15 ans suivant la constatation de l’état d’équilibre. Le propriétaire adresse, avant le 1er janvier de la première année au titre de laquelle l'application ou le renouvellement de celle-ci est demandé, une déclaration à l'administration des impôts indiquant la liste des parcelles concernées et attestant de l'état de futaie irrégulière en équilibre de régénération au regard des critères définis par décret.
Cas particuliers
En cas de sinistre (tempête, scolytes, incendie …), il est possible d’obtenir sous certaines conditions un dégrèvement de taxe foncière au titre de la perte de récolte.
Les coupes rases peuvent faire l’objet d’un déclassement en landes tant qu’elles restent improductives.
Seuil de recouvrement
Du fait des dégrèvements dont elles bénéficient ou de leur faible superficie, un certain nombre de parcelles ne sont, de fait, pas soumises à la taxe foncière sur les propriétés non bâties qui n'est recouvrée qu'au-delà d'un seuil de l'ordre de 12 €.
Proposition de loi Panonacle
Cette proposition de loi enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 février 2024 propose l’instauration d’un impôt forfaitaire (« frais de gestion de la fiscalité directe locale »), à hauteur de 12 euros par an et par parcelle ; y seraient assujetties les parcelles aujourd’hui non soumises à la taxe sur le foncier non bâti, dans l’optique de mieux identifier les biens vacants et sans maître.
L’impôt sur le revenu et les Dispositifs d’Encouragement Fiscaux aux Investissements (DEFI)
Afin d’encourager les investissements forestiers tels que les acquisitions, les travaux ou les cotisations aux assurances, les Dispositifs d’Encouragement Fiscaux aux Investissements (DEFI) permettent l’obtention de crédits ou de réductions d’impôts pour les contribuables domiciliés en France qui les réalisent.
Le dispositif DEFI a été instauré par la loi du 9 juillet 2001 d’orientation sur la forêt et est prorogé jusqu’au 31 décembre 2027 par la loi de finances pour 2023.
DEFI Acquisition
Ce DEFI ouvre droit à un crédit d’impôt sur le revenu de 25 % du montant des dépenses engagées pour l’achat de parcelles boisées ou à boiser, pour l’acquisition ou la souscription en numéraire de parts de groupements forestiers ou de parts de société d’épargne foncière. L'unité de gestion constituée après les achats d'immeubles boisés ou à boiser, doit atteindre au moins 4 ha sans limite maximale. Ce seuil ne s’applique pas pour les parts de groupements forestiers ou parts de société d’épargne foncière.
DEFI Travaux
Pour toute réalisation de travaux forestiers les propriétaires se voient bénéficier d’un crédit d’impôts de 25% sur des unités de gestion sans conditions de superficie mais avec nécessité de disposer d’un document de gestion durable. D’autre part, en site Natura 2000, le document de gestion durable devra soit être complété par la signature d’un contrat ou d’une charte Natura 2000, ou que le document de gestion détenu soit jugé conforme aux objectifs de conservation des habitats du site.
DEFI Assurances
Une réduction d’impôts correspondant à 76% du montant des cotisations versées au cours de l’année à un assureur pour la souscription d’un contrat d’assurance couvrant les bois et forêts notamment contre le risque de tempêtes. Le but est d’encourager à prendre des assurances contre les risques liés aux incendies et tempêtes.
Pour l’ensemble des DEFI sont définis des conditions d’éligibilité, des plafonds d’investissements et des obligations; ils sont détaillés dans le tableau ci-après téléchargeable sur le site de la DRAAF Grand Est https://draaf.grand-est.agriculture.gouv.fr/dispositif-d-encouragement-fiscal-a-l-investissement-en-foret-defi-a79.html ou sur la page Fiscalité du CNPF.
Réduction d'impôt, crédit d'impôt : quelles différences ?
Une réduction d'impôt est une somme déduite du montant de votre impôt Elle s'applique uniquement si vous avez un impôt à payer.
Un crédit d'impôt est également une somme soustraite du montant de votre impôt. Contrairement à la réduction d'impôt, le crédit d'impôt vous est remboursé en tout ou partie dans les cas suivants à savoir son montant dépasse celui de votre impôt ou vous n'êtes pas imposable
Source : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F823
Taux réduits sur la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée)
La TVA est un impôt indirect sur la consommation ; c'est-à-dire qu'il n'est pas collecté directement par l'État mais par le vendeur qui le collecte et le reverse à l'État.
Le taux normal de TVA est de 20 % mais certaines dépenses réalisées dans le cadre des travaux forestiers par les propriétaires forestiers peuvent faire l’objet d’un taux de TVA minoré à 10 ou 5,5 %.
Pour bénéficier du taux réduit de TVA, les propriétaires forestiers doivent être identifiés comme des producteurs agricoles directs par les services fiscaux grâce à un numéro SIREN (répertoire SIRENE de l’INSEE pour Système Informatique pour le Répertoire des ENtreprises et de leurs Etablissements).
Pour obtenir ce numéro et effectuer les démarches de création (ou de modification, cessation) il faut passer par le site https://formalites.entreprises.gouv.fr.
La liste des travaux bénéficiant du taux minoré est consultable sur la page dédiée à la fiscalité du CNPF.
Le volet de l’assujettissement ou non à la TVA pour les propriétaires forestiers n’est pas abordé dans cet article.
Droits de mutations
Un cadre favorable à la transmission avec une protection du capital sur pied.
C’est une réduction des ¾ des droits de mutation perçus par l’Etat lors des successions (à titre gratuit) et des donations des bois et forêts ainsi que lors des sessions gratuites de parts des groupements forestiers (article 793 du Code Général des Impôts).
La production forestière se caractérise par la nécessité de stocker les accroissements annuels dans l'attente de la récolte finale. Cela implique de maintenir sur pied (d’immobiliser) un important capital. Cette situation est unique dans le domaine économique.
C’est pourquoi, la fiscalité en tient compte par l’instauration d’un régime adapté aux successions et donations (mutations à titre gratuit) de biens forestiers mais aussi pour éviter de démembrer la propriété en vue payer les droits.
Ce régime qui résulte de l’application de l’abattement dit « Monichon » consiste à ne taxer lors du transfert de propriété, que le capital « sol » dont la valeur a été forfaitairement arrêtée à ¼ de la valeur globale de la forêt, les ¾ étant constitués par la valeur des bois sur pied.
Pour bénéficier de ces exonérations, il est nécessaire d’obtenir un certificat fiscal délivré par la DDT. Ce certificat sera joint comme justificatif lors des opérations d’enregistrement auprès du centre des impôts ou bien fourni lors de contrôle de la déclaration de revenu par le service des impôts.
Le saviez-vous ?
Le dispositif actuel de l’article 793 du Code Général des Impôts trouve ses origines en 1930 depuis la loi dite « Sérot » du 16 avril 1930 du nom de Robert Sérot alors sous-secrétaire d'État à l'agriculture et qui s’appliquait aux ventes. La loi a été modifiée en 1959 par l’amendement « Monichon », proposé par Max Monichon sénateur girondin, qui a étendu les dispositions aux mutations à titre gratuit.
Bien que souvent encore appelée « loi Sérot-Monichon » par les forestiers, il faut rappeler que depuis le 1er janvier 1999, seules les dispositions de « l’amendement Monichon » demeurent applicables.
Quelles obligations ?
Les héritiers, donataires ou légataires prennent, pour eux et pour leurs ayants cause, l'engagement d'appliquer pendant trente ans aux bois et forêts une garantie de gestion durable et produire tous les dix ans un bilan de la mise en œuvre du document de gestion durable.
D’autre part, en site Natura 2000, le document de gestion durable devra soit être complété par la signature d’un contrat ou d’une charte Natura 2000, ou que le document de gestion détenu soit jugé conforme aux objectifs de conservation des habitats du site.
Pour les parts de groupement forestier acquises à titre onéreux, pour pouvoir bénéficier de ce dispositif, une condition supplémentaire est exigée : elles doivent avoir été détenues par le donateur ou le défunt depuis plus de deux ans.
Contrôles
En cas de non-respect de l'engagement, c'est le contribuable qui a bénéficié du régime de faveur qui fera l’objet des mesures de redressement par l'administration fiscale. En effet, si l'acquéreur ne respectait plus l'engagement pris par son vendeur, c'est bien ce dernier qui serait redressé, quand bien même il ne serait pas à l'origine de l'infraction. Il faudra donc impérativement prévoir en cas de vente ultérieure du bien dans l'acte que l'acquéreur reprendra l'engagement en cours et, qu'en cas d'infraction ultérieure, il supportera toutes les conséquences financières liées à la déchéance du régime de faveur.
En cas de non-respect des engagements pris, l’administration fiscale demandera le versement de l’impôt ayant donné lieu à l’exonération, ceci en proportion de la superficie concernée par le manquement. De plus, un droit supplémentaire sera exigé.
Pour la garantie du paiement des droits complémentaires et supplémentaires éventuellement exigibles, l’administration fiscale possède sur les bois et forêts une hypothèque légale.
Pensez à votre calendrier fiscal
Chaque disposition fiscale dispose d’un calendrier de déclarations qui lui est propre. Afin de ne pas oublier une échéance il est nécessaire d’avoir à l’esprit les différentes échéances qui sont consultables dans son espace personnel sur le site impot.gouv.fr ou en se tenant informé auprès des gestionnaires forestiers ou via les syndicats départementaux de propriétaires forestiers Fransylva.
Pour aller plus loin
Site internet CNPF – Page dédiée Fiscalité forestière https://www.cnpf.fr/se-former-s-informer/droit-et-fiscalite/fiscalite-forestiere
Site internet Fransylva : https://www.fransylva.fr/conseil-juridique-fiscal-foret-privee.html
Taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) : https://entreprendre.service-public.fr/vosdroits/F31638
Je me forme pour mes bois : https://www.jemeformepourmesbois.fr/n/imposition-du-foncier-du-revenu-et-des-depenses/n:2200
Des formations à la fiscalité sont organisées chaque année par le CNPF, ses antennes régionales ou Fransylva.
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