Avec opiniâtreté, confiance et passion, Alain Jacques vient de planter 15 hectares sur un plateau calcaire mosellan défiguré. Avant les deux prochaines tranches, il s’arrête un instant pour nous conter son engagement pour les arbres.
Floréal N°90 - Septembre 2012
Avec opiniâtreté, confiance et passion, Alain Jacques vient de planter 15 hectares sur un plateau calcaire mosellan défiguré. Avant les deux prochaines tranches, il s’arrête un instant pour nous conter son engagement pour les arbres.
Vous êtes étiqueté, parmi les forestiers, comme "propriétaire planteur". Pourquoi ?
J’ai acheté, en 2010, 80 hectares de forêt à Moyeuvre, dont 45 rasés, que j’ai commencé à replanter cette année. 45 hectares d’épicéa mis à terre d’un seul grand coup, par un propriétaire "de circonstance", qui a décapité en quelques semaines la forêt qu’il venait d’acheter. Une "forêt fantasque" puisque l’on raconte même que les rémanents de coupe y prennent feu lorsqu’un éclair lumineux, réfléchi par un tesson de bouteille, les embrase… Et moi, je n’ai pas pu faire autrement que de racheter cette "forêt" pour la remettre debout, cette forêt que j’avais souvent parcourue avec mon père, décédé il y a peu. Combien de fois ai-je chassé avec lui sur ce plateau calcaire… C’est d’ailleurs un peu la chasse qui m’a amené à la forêt.
La coupe rase n’est-elle pas un handicap pour planter ?
Si, c’est certain, surtout sur des terrains "séchards" comme le sont les sols calcaires. Mais, nous avions un atout, c’est la ceinture que réalise la Domaniale de Moyeuvre autour de nous.
Nous sommes une enclave dans plusieurs centaines d’hectares de forêt domaniale, qui créent une sorte de "protection climatique".
Et puis, nous avons travaillé le sol, localement, pour les plants : potets pour érables et douglas, scarification pour les hêtres (cf. FLOREAL n° 85). C’était indispensable après le traitement radical "post-coupe" qu’ont subi les parcelles, à savoir un broyage sur place de tous les rémanents, qui a généré une épaisseur de copeaux plutôt rébarbative pour les futurs arbres.
Planter, quoi et comment ?
Du hêtre, de l’érable sycomore, du douglas. Le dispositif est assez pointu, il m’a été conseillé par la Coopérative F&BE, qui a rédigé également mon PSG. Il devrait permettre rapidement la constitution d’une ambiance forestière, avec des essences variées. Ce sont des lignes d’érable sycomore entre lesquelles sont positionnés des placeaux de 12 plants de hêtre. Les secteurs les plus limoneux sont plantés en douglas à une densité de 1.100 par hectare.
La plantation a-t-elle souffert de la sécheresse de cet été ? Et de la dent du chevreuil ?
Non, pas trop (je vise 80 % de reprise), même si, certains jours j’ai eu envie d’arroser !
Quant au chevreuil, nous avons posé des arbres de fer. Actuellement, rien à signaler, et je suis plutôt optimiste pour l’avenir. Il est vrai qu’en tant que chasseur, chevreuils et sangliers me sont bien sympathiques ! De plus, les revenus de la chasse que je loue, sont les bienvenus dans mon budget !
Et si c’était à refaire ?
Je ferais pareil. J’aime voir les arbres grandir. Je ne rechigne pas à l’effort. Je suis pharmacien à Metz, mes journées sont chargées.
Je file en forêt dès que possible, le soir, le week-end, pendant les vacances. J’ai élagué moi-même mes 872 peupliers jusqu’à 7 mètres pendant 5 ans. Avec un échenilloir, bras tendus, soleil ou pluie dans les yeux, torticolis garanti… Je suis passionné de forêt… et d’engins ! J’ai des vieux tracteurs que je "bichonne", un tractopelle, un gyrobroyeur, et d’autres.
Ce qui me tourmente, c’est de me heurter, parfois, à l’un ou l’autre possesseur de quelques ares qu’il ne souhaite ni vendre ni échanger, et dont la propriété ferait pourtant le lien avec une autre de mes parcelles, ou réaliserait un agrandissement bienvenu pour optimiser ma gestion. Des problèmes de foncier, en somme, qu’un tiers saurait sûrement mieux régler que moi (qui suis trop impliqué), un animateur foncier par exemple, qui inciterait à ce genre de transactions et faciliterait les échanges.
Est-ce que l’on vous rencontre aux journées de formation ? Programme "Rencontrons-nous", Fogefor,…
Oh malheureusement non… Je n’ai pas le temps. Mais vous m’y verrez, je le promets… Plus tard !
Propos recueillis par Anne Madesclaire,
avec l’aide de Marie-Françoise Grillot - CRPF
Merci à Sébastien Fernoux de F&BE pour ses informations.
Photo : Marie Françoise Grillot - CRPF