Septembre 2013
Floréal N°93 - Juin 2013
Une vitalité débordante, un charmant accent américain, Kathleen Choiset porte un regard intéressant et curieux sur le monde forestier. Une approche féminine, écologique, respectueuse, enrichie par l'empreinte de ses origines outre- Atlantiques. Elle est consciente de la chance qu’elle a de posséder des arbres et de participer ainsi au grand monde de la nature. La forêt de Saudrupt (55) lui vient de sa belle famille, c'était un bien "un peu endormi" qui a été malmené par la tempête. Ce coup de vent, dramatique, a été curieusement le déclencheur d'une prise de conscience : cette forêt, il fallait la sauver, il fallait la gérer, il fallait la faire fructifier ! Et l'on découvre que cet intérêt est certainement né bien loin et bien avant...
Cette forêt est dans la famille de mon mari depuis 100 ans, des industriels, qui même s'ils ont quitté la Meuse, y ont toujours gardé leurs racines. Pendant longtemps, ces taillis-sous-futaies à majorité de chêne, hêtre, merisier, situés sur des plateaux argilo-calcaires, n'ont pas fait l'objet d'une gestion spéciale. La tempête, en annihilant 10 hectares en plein cœur de la forêt, a réveillé notre conscience ! Nous sommes allés aux réunions post-tempête, nous y avons rencontré Arnaud Appert du Gedefor et Jacques Laplanche du CRPF.
C'était devenu un devoir de mieux connaître la forêt, une responsabilité aussi, mais acceptée de plein gré et avec plaisir. Je devais rétablir un équilibre, reconstituer une entité forestière, j'avais des arbres à faire pousser ! Et pour cela, j'étais désormais bien entourée et bien conseillée ! Nous avons exploité, nettoyé et rédigé le plan de gestion. Sur 9 hectares, nous avons planté -et protégé !- du chêne sessile, bien en station. Dans d'autres parcelles, nous avons laissé s'installer la régénération naturelle de chêne, érable sycomore, merisier, alisier,... et jugulé le robinier un peu trop envahissant !
Même si notre forêt se trouve au début du massif, j'ai souhaité être membre de l'ASA du Drébois et être ainsi partie prenante de cette route de 7 km qui va au cœur des forêts. Cela m'a permis d’entrer en relation avec les voisins, notamment le Groupement Forestier de François Godinot. Président du syndicat de la Meuse. Il m'a demandé, l'année dernière, de rejoindre le conseil.
Aussi loin qu'il peut porter vers des expériences intéressantes ! Même s'il est vrai que c'est souvent vers les Etats-Unis ! 50 États avec chacun leurs particularités : 304.000.000 hectares de forêts dont 170.000.000 (56 %) appartiennent à des "privés", dont moins d'un tiers sont des compagnies ou corporations. Deux tiers sont considérés comme "timberlands" c'est-à-dire des forêts exploitées pour leurs bois et produits dérivés...
Je rentre de Washington et j'ai été très étonnée de voir, dans les grandes avenues, un nombre important de camions de bois de papeterie, alors que l'on pourrait justement croire que désormais tout se passe par informatique ! Il y a aussi beaucoup de publicités pour les supports "papier", certainement un fort lobbying des groupes papetiers !
Aux USA, 18 % des propriétaires sont des femmes : elles le deviennent au décès de leur père ou de leur mari. Leur vision et leur façon d'appréhender la forêt sont différentes, peut-être plus globales, certainement plus affectives. Certaines universités organisent pour elles des formations spécifiques : elles sont ainsi conseillées, rassurées et encadrées par ce que l'on nomme un "mentor".
Ma grand-mère, en plus de son job de "guetteuse d'incendie" du haut d'un mirador près de Yosemite, était aussi "standardiste" pour le National Forest Service. Un certain été, elle a été obligée de prêter son "badge" professionnel à un jeune ingénieur diplômé des eaux et forêts qui n'avait pas encore le sien. Après leur mariage (en 1921, je crois), elle lui a avoué que c'était "le seul moyen qu'elle avait eu de récupérer ce badge"! Ce grand-père a été l'un des premiers forestiers diplômé d'université et investi d'une grande mission : veiller scientifiquement sur les immenses espaces forestiers de Californie du Nord, au début du XXème siècle. Il l'a fait tout d'abord à cheval, puis en voiture, puis en avion !
J'ai ainsi toujours été en contact avec la nature, sensible aux arbres, des chênes majestueux des westerns à ceux de Saudrupt ! Mon attachement pour la conservation et le renouvellement des forêts -en France et ailleurs- est donc bien ancré, et... il n'y a rien d'étonnant au fait que je dise à mes enfants : "Après moi, la maison vous pouvez la vendre, mais la forêt, surtout vous la gardez !"
Interview réalisée par Marie-Françoise Grillot - CRPF
REMONTER EN HAUT DE PAGE
Besoin
d’un avis,
d’un conseil ?