Gestion, réglementation et administration
Janvier 2018
Depuis plusieurs années, le sujet de l’export des grumes occupe le devant de la scène au sein de la filière : industries régionales contre exportateurs, et propriétaires forestiers entre les deux ; le débat peut vite prendre une tournure polémique, relayée par les médias ! Comme nous le verrons plus loin, en fonction des modes de ventes traditionnelles par région, l’approche peut être complètement différente.
Depuis 7-8 ans, dans notre région Grand Est, le sujet centré sur l’export des grumes de chêne, voire de hêtre, vers la Chine, n’a cessé de prendre de l’importance. Le flux de bois vers l’Extrême-Orient avait déjà commencé à s’installer à la suite de la tempête Lothar de 1999, mais à l’époque, la filière avait surtout perçu une possibilité inespérée d’écouler le trop-plein de matière.
Très récemment, des quotidiens de notre Région ont (re)mis ce dossier à la "une" avec des titres provocateurs ("La finance, l’arme qui gâche la forêt", "Les forêts du Grand Est se vendent à la Chine").
Forêts Privées du Grand Est a souhaité vous présenter le sujet le plus objectivement possible, en donnant la parole à des présidents de syndicats et scieurs ayant des points de vue différents, reflets du contexte de leur département.
Les volumes considérés
Il est très difficile de faire correspondre les données des douanes des bois entrant en Chine et celles des bois exportés de France, d’autant que, pour le Nord et le Nord-Est de la France, l’export se fait souvent via les grands ports de Belgique. Pour la Lorraine, le niveau d’export des grumes chêne concernerait, ces dernières années, autour de 50 %, de la qualité industrielle, hors plots et merrains.
Source : ONF - 2016
Les prix
Il est incontestable que l’export participe, par l’augmentation de la demande, à la hausse sur les prix du chêne : pour les qualités moyennes et plus, le manque de matière à vendre provoque une tension jugée très dangereuse par les scieurs feuillus français ne faisant pas de négoce.
Les mesures conservatoires
Le Ministre LE FOLL avait répondu favorablement aux sollicitations de la FNB (*) en mettant en œuvre 2 mesures :
(*) FNB : Fédération Nationale du Bois
L’Aube est un département privilégié, "à part" diront certains. Avec environ 15 scieries de chêne, certaines de tout premier plan, elle bénéficie d’un tissu de première transformation de haut vol.
Mais ses forêts et ses crus de chêne sont aussi convoités par les scieries des départements voisins, et même du centre de la France.
Grâce à cet exceptionnel contexte, les organismes professionnels organisent depuis 1968 des ventes en bloc et sur pied par appel d’offres qui ne manquent pas de donner satisfaction aux vendeurs.
Le grand nombre d’interlocuteurs écarte d’emblée les risques de collusion que l’on peut redouter dans certains départements où les rangs des acheteurs se sont éclaircis.
Des questions se posent bien sûr: vendre des bois sur pied avec un volume estimé n’expose-t-il pas à des rabais ? Les quelques mètres qui pourraient être omis représentent des faibles volumes et qualités médiocres. Mais surtout, un acheteur qui tendrait à faire son offre sur un volume minimisé aurait-il une quelconque chance de remporter un appel d’offres ?
Reste à savoir si de larges appels d’offres, féroces, ne fragilisent pas les scieries locales : à en juger par la prospérité des scieries en règle générale les effets insidieux restent limités. Le Syndicat et le Groupement Champenois restent attachés à ce type de vente, en retenant qu’on ne peut demander à nos scieurs de scier le moins bon pour les priver des parties les plus nobles des grumes.
Et surtout, 80 % des achats sont opérés par des scieurs locaux, ce qui inscrit la vente en bloc et sur pied dans un circuit court et vertueux.
Président du Syndicat FP57, et acheteur pour une scierie-parqueterie de chêne, j’ai une large vision du fonctionnement de notre filière.
La demande à l’export des bois de nos forêts est une chance pour nous forestiers. Seulement, il faut veiller à préserver l’emploi et la production de valeur ajoutée dans nos territoires et l’utilisation des sous-produits connexes (les dosses utilisées en bois énergie, dans les panneaux…) sur nos marchés. Il est donc indispensable de sécuriser l’approvisionnement de nos scieries avant d’envisager l’export de l’excédent.
Les mesures mises en place par le gouvernement sont excellentes, mais des exportateurs les contournent sans vergogne : de nombreuses grumes de chêne partent à l’export avec le label "transformation européenne".
Sur la partie Est de notre nouvelle Région, la seule solution efficace pour sécuriser les approvisionnements des scieries, tout en sécurisant les revenus des producteurs, reste le contrat signé entre les 2 parties. En forêts privées, à l’image des coopératives pratiquant la vente par contrats depuis longtemps, l’UFE a mis en place pour les clients des autres gestionnaires, un technicien classeur de bois ronds, avec une aide au démarrage de la Région Lorraine. Pour la 3ème campagne, le volume livré (chêne, hêtre et frêne) devrait dépasser les 12 000 m3 . Un protocole signé entre l’UFE et les scieurs entérine une grille de prix et le propriétaire peut envisager une gestion équilibrée sans les à-coups de vente "coup de fusil" qui, je le rappelle, varient dans un sens comme dans l’autre...
N’oublions pas que les acteurs de la filière "HÊTRE" ont écouté le chant des sirènes dans les années 90 et qu’au final elle est aujourd’hui déstructurée : nos forêts pâtissent des mauvais choix de cette période ! En tant que propriétaire forestier, je suis favorable à la vente bord de route, car plus transparente, et dans notre région, nous sommes habitués à l’exploitation en régie des forêts publiques. Dans ce contexte, le contrat d’approvisionnement est l’outil indispensable qui permettra de préserver nos industries.
On ne peut pas nier que la forte augmentation des cours du chêne constatée depuis quelques années, traduit clairement un manque de bois des scieurs : sur 1,9 million de m3 produits en France, près de 300 000 à 400 000 m3 partent en Asie, et cela ne va que s’accroître. C’est pourquoi j’étais un défenseur de la labellisation, mais certaines entreprises la contournent, et c’est désormais l’hémorragie.
Mais les contrats d’approvisionnement, tels que proposés par l’ONF ne permettront pas de sécuriser et fluidifier les "appros" des scieries. Ils sont trop complexes à mettre en place, on nous propose des quantités qui ne dépasseront pas de toute façon 20 à 30 % de nos approvisionnements. Et c’est déjà compliqué avec un seul propriétaire comme l’ONF, cela sera encore plus difficile avec les gestionnaires des forêts privées : comment envisager de faire des contrats à tous les scieurs qui le réclameraient, et comment se ferait la répartition ? La majorité des scieurs feuillus ne veut ainsi pas de contrats d’approvisionnement. Les appels d’offres de bois en bloc et sur pied restent plus que jamais d’actualité avec comme première vertu, le fait de laisser la place aux scieries locales : dans les ventes, on voit bien que la majorité des achats sont faits par les locaux. Les ventes sur pied ont une autre qualité : les scieurs ont la maîtrise de leurs stocks, et du processus de transformation de la forêt à la mise à disposition pour leurs clients ; il y a donc une meilleure valorisation de nos produits, et plus de valeur ajoutée pour la filière régionale.
Afin de faire pression sur l’ONF, les scieurs de chêne de la région Grand Est ont établi une charte qui plébiscite les ventes par appel d’offre des bois sur pied et qui a été signée par 29 acteurs majeurs du marché local, scieurs et exploitants.
Ch. Baudot (Groupement Champenois) - Ph. Laden (CRPF)
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