Mars 2015
Vulgarisée depuis quelques années déjà, la surface terrière est une mesure découverte par le forestier autrichien Walter Bitterlich (1908-2008), curieux de mathématiques et fervent adepte de leur application pratique en forêt. Datant de 1948, cette notion n’a fait l’objet d’un développement en France que dans les années 1980. Elle est désormais très utilisée par les forestiers car sa mesure, simple à prendre sur le terrain, est un solide repère pour affiner la gestion des peuplements forestiers. Faisons, avec Floreal, un petit tour dans les coulisses de la surface terrière.
La surface terrière (notée g) d’un arbre correspond à la surface de la section transversale de cet arbre à hauteur d’homme. En clair, c’est la surface du tronc coupé à 1,30 m.
La surface terrière d’un peuplement, c’est la somme des surfaces terrières de tous les arbres qui le composent. L’unité de la surface terrière s’exprime donc en mètres carrés. De façon à pouvoir comparer les mesures, cette valeur est ramenée à l’hectare.
Elle permet une approche du volume des arbres en se libérant de la notion de hauteur. La surface terrière est corrélée au couvert des arbres. Elle reflète ainsi le degré de compétition au sein du peuplement forestier et constitue une mesure indirecte des conditions d’éclairement au sol. Enfin, il est possible de l’utiliser comme un descripteur des différents stades de développement de la forêt.
Mesurer la surface terrière est extrêmement simple, à condition de disposer d’un outil également très simple appelé relascope : l’œil de l’opérateur regarde les troncs au travers d’une encoche. Il suffit donc de se placer dans la parcelle, de faire un tour sur soi-même (appelé "tour d’horizon") et de compter tous les arbres qui dépassent ou sont tangents à l’encoche.
Cette opération pourra être répétée à divers endroits de la parcelle pour une meilleure connaissance de la surface terrière du peuplement. Pour pouvoir être pris en compte, l’arbre devra dépasser ou égaler l'encoche. Plus il sera proche de l'observateur, plus il aura de chance d'être considéré.
Il en existe différents types, dont les plus utilisés sont les relascopes à chainette. Ces instruments se composent d’un manche, d’une tête et d’une chainette. La tête est munie d’une encoche limitée par 2 pointes d’un écartement donné. La construction de cet appareil est telle qu’il y a un rapport précis entre la longueur de la chaînette et la dimension de l’encoche.
La tentation immédiate lorsqu’on découvre l’unité de cette mesure (m2 /ha), c’est de passer au volume par ha. C’est possible ! Il faut simplement utiliser des formules toutes faites que l’on peut trouver sous la forme d’utilitaires dans les "guides de sylviculture" édités par le CRPF.
Par exemple, dans une sapinière adulte de 30 m de haut dont la surface terrière est de 35 m2 /ha, le volume bois fort est de 490 m3 /ha. Pour mémoire, la formule utilisée est la suivante : Volume = Surface terrière x Coefficient de forme (f) x Hauteur. Le coefficient de forme est proche de 0,5 pour les résineux et de l’ordre de 0,7 ou 0,8 pour les feuillus. Pour simplifier, il reflète la conicité d’un tronc.
Ainsi, apporter une information en surface terrière dans la description de ses peuplements, à côté du diamètre, ou de la qualité des bois, est un plus pour la connaissance et l’orientation de la gestion.
Le niveau de surface terrière d’un peuplement peut également servir de repère pour déclencher une régénération naturelle par exemple.
Dans une pineraie, dès que G < 18 m2 /ha, la lumière au sol devient suffisante pour amorcer la régénération naturelle.
Depuis le milieu des années 90, toutes les typologies de peuplements réalisées en Lorraine-Alsace sont basées sur l’utilisation de la surface terrière. Cette dernière est répartie dans 3 ou 4 catégories de bois (PB, BM, GB et TGB).
A partir de ces résultats, il est aisé de décrire son peuplement et de lui donner un nom (exemple : sapinière dominée par les bois moyens ou futaie feuillue de chêne à gros et très gros bois).
La typologie du massif vosgien a ainsi été utilisée dans le cadre d’un travail sur la caractérisation des habitats forestiers pour le Grand Tétras.
Ces documents sont téléchargeables sur le site internet du CRPF dans sa rubrique "publications". N’hésitez pas à faire appel à votre conseiller forestier pour plus de détails !
Il n’est pas commun dans le bulletin Floreal de présenter des calculs mathématiques, aussi modestes soient-ils. Nous vous proposons de déroger à cette règle pour vous prouver que ce tour d’horizon au relascope n’a rien de magique ; pour comprendre ces calculs, il suffit de connaître la surface d'un cercle (g = π x D2 /4, D étant le diamètre de l’arbre), et le théorème de Thalès que nous vous rappelons ci-dessous.
Vous vous tenez au milieu d’une forêt, entouré(e) d’arbres ayant exactement le même diamètre (c’est la théorie !) qui est noté D1. Vous visez un arbre dont le tronc est exactement à cheval sur les pointes de l’encoche du relascope. La distance qui vous sépare de cet arbre est notée R.
Rappelez-vous, lorsque nous étions sur les bancs de l’école, le théorème de... Thalès !
La première formule dont il faut se souvenir s’écrit D1/R = a/b (formule 1) ; a et b sont issus du relascope, a étant la distance entre les pointes de l’encoche et b la longueur de la chainette.
Lors de votre tour d’horizon, vous avez compté N1 arbres de diamètre D1. La surface terrière correspondante est égale à g1 = π x N1 x D1 /4
Si l’on remplace D1 par R x a/b (formule 1)
alors : g1 = π x (R2 x a2/b2 )/4 x N1 et donc : g1 = (π x R2/4 ) x (a2/b2) x N1 (formule 2)
Si la mesure de surface terrière est ramenée à l’hectare (π x R2 = 10.000 m2), la formule 2 se réduit à
g1 = (10.000/4) x (a2/b2) x N1 et donc g1 = 2.500 x a2/b2 x N1.
Sachant que 2.500 x a2/b2 est une constante (les valeurs sont connues) qui peut s’écrire K, alors g1 = K x
N1
Donc à partir d’une formule un peu compliquée, on obtient un résultat très simple, libéré de la notion de diamètre et de la distance à l’arbre considéré.
Toutefois, dans un peuplement forestier, tous les arbres n’ont pas le même diamètre ! Le calcul de la surface terrière du peuplement est la somme de toutes les surfaces terrières des arbres qui le compose, soit :
G = g1 + g2 + g3 +... = K x N1 + K x N2 + K x N3 +... = K x (N1 + N2 + N3 +...) = K x N
K dépendant de la largeur de l'encoche a et de la longueur de la chainette b, il est lié au relascope utilisé et prend le plus souvent la valeur 1 ou 2. On parlera alors de facteur 1 ou 2.
Et c'est pour cela que pour mesurer la surface terrière, il suffira de compter un nombre d'arbres : cette formule miraculeuse est en réalité assise sur un raisonnement arithmétique imparable.
Lors du tour d’horizon, si vous choisissez une tête de relascope de facteur 1, le nombre d’arbres comptés dont le tronc dépasse l’encoche lors du tour d’horizon correspondra à la mesure de la surface terrière (30 arbres comptés = 30 m2/ha). Si les arbres sont entièrement visibles dans l’encoche, il ne faut pas les compter. Par contre, si le tronc de l’arbre est exactement à cheval sur l’encoche, il sera dit "arbre limite" et ne comptera que pour la moitié (0,5 m2/ha au facteur 1).
Un jeu d'enfants, non ?
Stéphane Asaël - CRPF
Photos Marie-Françoise Grillot et Stéphane Asaël
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