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Arbres et forets

Les arbres aux abords des voies publiques

Février 2017

Il arrive régulièrement que des propriétaires forestiers reçoivent une injonction de réaliser des travaux d’élagage de la part de l’autorité gestionnaire d’une voie publique bordant leur forêt. Il est utile de connaître les règles applicables aux arbres situés aux abords des voies publiques. La présence d’arbres aux abords des voies de circulation publique n’est pas anodine. Elle implique des questions, liées à la conservation de ces voies et à la sécurité de la circulation, auxquelles le droit a apporté des réponses particulières, qui ne se confondent pas avec les règles applicables entre deux fonds privés. Ces réponses particulières concernent à la fois les distances de plantation et l’élagage des arbres.

Forêt Privée Française, Le portail de la forêt privée

Il arrive régulièrement que des propriétaires forestiers reçoivent une injonction de réaliser des travaux d’élagage de la part de l’autorité gestionnaire d’une voie publique bordant leur forêt. Il est utile de connaître les règles applicables aux arbres situés aux abords des voies publiques.

La présence d’arbres aux abords des voies de circulation publique n’est pas anodine. Elle implique des questions, liées à la conservation de ces voies et à la sécurité de la circulation, auxquelles le droit a apporté des réponses particulières, qui ne se confondent pas avec les règles applicables entre deux fonds privés. Ces réponses particulières concernent à la fois les distances de plantation et l’élagage des arbres.

Plantation de noyers noirs (d’Amérique) en milieu agricole. © Olivier Martineau – CRPF PACA © CNPF.

Distances de plantation

Les distances de plantation aux abords du domaine public routier sont abordées par le code de la voirie routière au titre de la police de la conservation. L’article R. 116-2 de ce code prévoit simplement que seront punis de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe (1 500 euros au plus) ceux qui, en l’absence d’autorisation, auront établi ou laissé croître des arbres ou haies à moins de deux mètres de la limite du domaine public routier. Celui-ci concerne les voies de circulation terrestre qui dépendent du domaine public de l’État, des départements et des communes. La distance de deux mètres doit être calculée à partir de la limite de la voie publique, en ce comprises ses dépendances éventuelles (talus, fossés, remblais…). Soulignons que cet article fait l’objet d’importantes réserves. D’une part, il semble dépourvu de toute base légale. Ensuite, aux abords des routes départementales et des voies communales, il ne concerne pas les plantations faites avant 1989.

Cet article ne concerne pas plus les plantations faites aux abords des chemins ruraux qui appartiennent, certes, aux communes, mais font partie de son domaine privé. Par rapport à ces chemins, les plantations d’arbres peuvent être faites sans conditions de distance (1). Toutefois, dans un souci de sûreté et de commodité du passage, le maire peut, par arrêté, désigner les chemins de sa commune le long desquels les plantations devront être placées à des distances au plus égales à celles prévues pour les voies communales. Cela revient donc à appliquer, dans ce cas, une distance maximale de deux mètres. Des distances de plantation supérieures peuvent toutefois s’appliquer dans la mesure où ont été instaurées des servitudes de visibilité. L’article L. 114-1 du code de la voirie routière prévoit en effet que « les propriétés riveraines ou voisines des voies publiques, situées à proximité de croisements, virages ou points dangereux ou incommodes pour la circulation publique peuvent être frappées de servitudes destinées à assurer une meilleure visibilité ». Un plan de dégagement, soumis à enquête publique, détermine alors, pour chaque parcelle, les terrains sur lesquels s’exercent des servitudes de visibilité et définit ces servitudes. Celles-ci peuvent emporter obligation de supprimer les plantations gênantes ou interdiction de planter au-dessus du niveau fixé par le plan de dégagement.

Le non-respect de ces servitudes constitue une infraction à la police de la conservation du domaine public routier. Le propriétaire forestier encourt donc une peine d’amende maximale de 1 500 euros.

Scie à élaguer. © Stéphane Nalin – CRPF PACA © CNPF.

Élagage des arbres

L’article 673 du code civil prévoit que celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. Mais cette règle n’a vocation à s’appliquer qu’entre deux fonds privés riverains. Les règles relatives au domaine public routier ne comportent pas de disposition semblable. Il en résulte que les obligations d’élagage aux abords des voies du domaine public routier sont sans lien avec une quelconque distance préétablie par rapport à la limite séparative de la voie publique et des propriétés riveraines, mais dépendent de la seule nécessité d’assurer la sécurité de la circulation.

À ce titre, l’autorité en charge de la police de la circulation sur la voie publique peut demander au propriétaire forestier d’élaguer les arbres dont les branches avancent sur l’emprise de la voie. Le maire tient ce pouvoir, par exemple, de l’article L. 2212-1 du code général des collectivités territoriales. Cet article charge le maire de la police municipale, qui a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Si, dans l’intérêt même de l’efficacité de l’action du maire, la police administrative est définie de manière assez générale, la jurisprudence administrative, puis constitutionnelle, en a néanmoins clarifié les contours et les conditions d’exercice. Ainsi le maire ne peut-il exercer son pouvoir de police que de manière strictement nécessaire et proportionnée, afin de concilier la sauvegarde de l’ordre public, d’une part, et la préservation des libertés publiques, d’autre part.

Au vu de ces éléments, il s’avère que l’article L. 2212-2 du code précité prévoit explicitement que la police municipale comprend tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les voies publiques. Le maire peut donc enjoindre les propriétaires forestiers de procéder à des travaux d’élagage, dans la mesure où il apparaît qu’il existe un risque réel pour la sécurité de la circulation sur la voie et où les travaux demandés sont strictement proportionnés au risque encouru. Mais l’étendue de l’obligation dépend uniquement des mesures qui s’avèrent nécessaires pour faire cesser le risque identifié.

Élagage. © Marie-Laure Gaduel – CRPF PACA © CNPF.

L’autorité administrative a donc tout intérêt à tenir compte de la jurisprudence aujourd’hui établie afin d’éviter que ses décisions encourent la sanction du juge administratif. En particulier, un examen attentif des points suivants doit être préconisé :

  • l’exactitude matérielle des faits, c’est-à-dire l’existence d’une menace effective de désordre ;
  • l’adéquation des moyens aux fins. Il doit y avoir adaptation aux circonstances et toute limitation des droits et libertés n’est régulière que si elle est nécessaire face à une situation de fait. Au nom du principe de proportionnalité, le juge administratif censure des décisions qu’il estime inadaptées.

Concernant les chemins ruraux, l’article D. 161-24 du code rural et de la pêche maritime est plus précis que les textes régissant le domaine public routier. Cet article prévoit en effet que les branches et racines des arbres qui avancent sur l’emprise des chemins ruraux doivent être coupées, à la diligence des propriétaires ou exploitants, dans des conditions qui sauvegardent la sûreté et la commodité du passage ainsi que la conservation du chemin. Là encore, le lien avec la sûreté de la circulation existe. Mais l’obligation est clairement précisée et identifiée dans l’espace : elle s’apprécie en fonction de la limite de l’emprise des chemins ruraux.

Reste un point essentiel à aborder. Nous avons vu précédemment que l’autorité administrative était apte à enjoindre à un propriétaire forestier d’élaguer ses arbres, situés aux abords de la voie publique. Mais quel est son pouvoir si celui-ci refuse de s’exécuter ?

Scie d’élagage en action. © Sylvain Gaudin – CRPF CA © CNPF.

Une règle générale s’applique, telle qu’elle a été précisée par le Conseil d’État dans un arrêt du 23 octobre 1998 (2). Celui-ci avait alors décidé qu’étaient entachées d’illégalité les décisions administratives prévoyant, sans fondement législatif, qu’à défaut de leur exécution par les propriétaires riverains ou leurs représentants, les frais de l’exécution d’office, par l’administration, des opérations d’élagage des arbres, branches, haies ou racines seraient mises à la charge des propriétaires. Ainsi, lorsqu’elle agit sans autorisation expresse de la loi, l’autorité administrative ne peut forcer l’exécution de sa décision, si ce n’est pour la sauvegarde de la sécurité publique face à un péril grave et imminent. L’exécution forcée d’une décision de police, même justifiée au fond, peut donc s’avérer illégale.

Par conséquent, une exécution d’office, aux frais du propriétaire forestier, serait sanctionnée par le juge administratif car nulle disposition législative ne prévoit, ou plutôt ne prévoyait encore récemment, une telle possibilité (3).

Élagage. © Michel Rolland – CRPF PACA © CNPF.

Il n’en reste pas moins qu’il convient d’être prudent en la matière. Si un risque réel existe pour la sécurité des usagers de la voie publique, il est préférable d’intervenir afin de faire cesser le danger. Sinon, l’autorité administrative peut toujours demander au juge administratif d’ordonner la mise en œuvre des mesures nécessaires, assorties éventuellement d’une astreinte : en vertu de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, « en cas d’urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l’absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative ». En outre, elle a la possibilité d’exécuter elle-même les travaux d’office, à ses frais. Pour ce faire, il convient toutefois que cela intervienne dans le but d’assurer la sauvegarde de la sécurité publique face à un péril grave et imminent, faute de quoi l’exécution d’office pourrait être constitutive d’une voie de fait engageant sa responsabilité. Mais si un péril grave et imminent est avéré, elle pourra ensuite exiger de la part du propriétaire forestier le remboursement des sommes dépensées. Ceci ne pourra toutefois intervenir qu’après en avoir fait la demande auprès des tribunaux judiciaires, en invoquant la responsabilité civile du propriétaire des arbres.

Jusqu’à une époque récente, seul le code rural et de la pêche maritime allait à l’encontre de la règle générale susmentionnée, pour les chemins ruraux. L’article D. 161-24 prévoit : « Dans le cas où les propriétaires riverains négligeraient de se conformer à ces prescriptions, les travaux d’élagage peuvent être effectués d’office par la commune, à leurs frais, après une mise en demeure restée sans résultat. » La validité juridique de cette contrainte reste toutefois hypothétique. Comme l’a indiqué le Conseil d’État, seule une disposition législative permet de mettre à la charge des propriétaires les frais de l’exécution d’office, par l’administration. Or, l’article D. 161-24 relève de la partie réglementaire du code rural et de la pêche maritime. En cela, sa validité juridique pourrait être contestée.

Élagage de la branche maîtresse cassée. © Pierre Gonin – IDF © CNPF.

En revanche, le législateur est intervenu à deux reprises concernant l’élagage des arbres aux abords, dans un premier temps, des voies communales (4), puis des routes départementales situées en dehors des agglomérations (5).

Dans l’hypothèse où, après mise en demeure sans résultat, le maire ou le président du conseil départemental procèderait à l’exécution forcée des travaux d’élagage destinés à mettre fin à l’avance des plantations privées sur l’emprise des voies afin de garantir la sûreté et la commodité du passage, les frais afférents aux opérations peuvent être mis à la charge des propriétaires négligents sans action préalable devant le juge.

Nicolas Rondeau  Juriste de Fransylva

___________________

(1) Code rural et de la pêche maritime, article D. 161-22.

(2) Conseil d’État, statuant au contentieux, n° 172017, mentionné dans les tables du recueil Lebon.

(3) Ce principe n’est plus absolu, comme nous le verrons dans la suite de cet article.

(4) Loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, article 78.

(5) Loi n° 2015-991 du 7 août 2015, article 20.

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