Mai 2018
Le bois, jusque dans les années 1950, constituait la principale matière première de la chimie. 70 ans après, le pétrole l’a largement détrôné. Mais ce succès indéniable de la pétrochimie ne va pas sans problème. C’est pourquoi, elle effectue actuellement une transition sans précédent vers la chimie "verte", au sens de plus respectueux de l’environnement et de la santé humaine. 12 principes la caractérisent. Le 7ème propose de baser les approvisionnements sur la biomasse végétale et donc sur les ressources forestières. Aujourd’hui la chimie revient vers la forêt : que peut-elle lui offrir comme matière première ?
Elle peut lui fournir de la cellulose, ce n’est pas nouveau. La papeterie la valorise, mais aussi les unités de production de cellulose de spécialité et de fibres textiles. Elle peut offrir les 2 autres constituants de la structure du bois à savoir la lignine et les hémicelluloses. On sait moins bien les valoriser mais les recherches vont bon train. Réunis, ces 3 constituants pourraient donner des sucres et de là des biocarburants de 2ème génération, ainsi que de nombreux intermédiaires chimiques.
Le bois et les écorces peuvent offrir des composés chimiques non structurants, qui peuvent être extraits par des solvants d’où leur nom d’extractibles. Prenons une image familière : dans la cafetière, l’eau très chaude passe au travers de la poudre de café et nous offre le "café", constitué des extractibles du café. Dans ce cas, le solvant est l’eau. Celle-ci reste le solvant le plus "vert" largement utilisé dans l’industrie, bien que d’autres solvants soient utilisés au laboratoire. Parmi les extractibles, les tanins sont peut-être les plus connus. On les consomme dans les bons vins, ils permettent de tanner le cuir, surtout autrefois, avant l’utilisation du chrome. Les tanins permettent par ailleurs de fabriquer des adhésifs, des résines et des mousses isolantes, au moins les tanins des résineux. Les tanins des essences feuillues pourraient être davantage valorisés dans l’alimentation du bétail pour améliorer la lactation, et dans la cosmétique. Tous les tanins font partie de la grande famille des polyphénols ; ils présentent des propriétés antifongiques, antibactériennes, anti-oxydantes très intéressantes pour la pharmaceutique et la production des compléments alimentaires humains. Les nœuds du bois en contiennent des taux élevés (20 %), lignanes chez les résineux, flavonoïdes chez les feuillus. Des flavonoïdes, il y en a aussi dans les écorces. Un beau succès scientifique et commercial français concerne le pycnogénol de l’écorce de Pin maritime, puissant anti-oxydant. A côté des polyphénols, on trouve les terpènes et dérivés comme la térébenthine, la paraffine des bougies ...L’intérêt du bois pour la chimie n’est donc plus à démontrer.
Oui, mais quel est l’intérêt du propriétaire forestier pour ces extractibles ?
L’intérêt du propriétaire forestier vient en premier lieu du fait qu’il est à l’origine de toute la filière forêt-bois ; a priori toute valeur ajoutée à cette filière permettra de vendre mieux et davantage de bois et de réaliser les éclaircies. Tout en respectant la hiérarchie des usages (bois d’œuvre, bois d’industrie, bois énergie) le bois issu directement de la forêt pourrait être valorisé en chimie des extractibles, à l’instar du bois énergie, à condition de trouver comment séparer à moindre coût les fractions de biomasse particulièrement riches. Toute idée est la bienvenue, probablement à mettre en œuvre au niveau des plateformes de stockage. Les connexes industriels, écorce en tête, sont des candidats plus sérieux. Leur valorisation a profité de la formidable promotion par l’État de la filière énergie et de ses multiples réussites. Dans cette forte demande de bois énergie, le "bois extractibles" pourrait tirer son épingle du jeu.
Quatre raisons à cela :
Pour bien cibler ces fractions, des études sont en cours notamment dans le projet EXTRAFOREST (voir encart). Les résultats ne devraient tarder. Ils seront postés sur le site du projet au fur et à mesure de leur obtention.
Francis Colin - INRA
Ce projet lauréat de l’appel "Investissement-innovation pour l’amontforestier"duministèrede l’agriculture, est piloté par l’INRA Grand Est-Nancy. Il est financé par le Ministère de l’Agriculture, le FEDER Lorraine, le LABEX Arbre, l’ADEME, la région Grand Est et l’INRA. Il est labellisé par les pôles de compétitivité Fibres EnergieVie et IAR (Industries et Agro-Ressources). Les unités de recherche INRA-SILVA, LERMAB et BETA, l’IGN, le CRITTBois et l’ONF mènent l’étude en associant de nombreux acteurs de la filière forêt-bois répartis en 4 comités consultatifs : ressource-échantillonnage, outil de prospective, diffusion des résultats et comportements des acteurs.
EXTRAFOREST s’intéresse à la quantification, l’hétérogénéité et la mobilisation des ressources en composés chimiques extractibles, présents dans les branches, les nœuds, l’écorce, le duramen et l’aubier.Lesprincipalesessences de bois étudiées proviennent du Grand Est et de Bourgogne-Franche Comté : sapin, épicéa, douglas, chêne, hêtre.
La tâche 1 vise à connaître les taux et quantités d’extractibles dans les arbres, la ressource en extractibles régionale aussi bien en forêt que dans les connexes industriels de sapin, épicéa, chêne, douglas et hêtre et synthétiser les connaissances. En termes simples, l’objectif est de détecter les fractions de ressource les plus riches et accessibles : dans quelle essence, dans quelle partie de l’arbre, en forêt ou en scierie, papeterie...Un autre objectif est de construire un outil de prospective. Cet outil est conçu pour être au service des décideurs régionaux ou nationaux, leur permettant d’évaluer la faisabilité d’une filière régionale des extractibles et d’acteurs particuliers pour qu’ils évaluent s’ils ont intérêt à s’impliquer dans une telle filière. La tâche 2 anime une importante concertation régionale en diffusant les connaissances, présentant l’outil de prospective et en analysant le comportement des acteurs face à cette perspective d’innovation. Un des objectifs affirmés est de rapprocher la chimie verte de la filière forêt-bois.
Pour de plus amples informations consulter le site http://www6.inra.fr/extraforest ou contacter francis.colin@inra.fr
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