Décembre 2015
La forêt a un rôle protecteur de la ressource en eau, que ce soit à travers sa capacité à épurer les eaux, mais également du fait du peu de perturbations intervenant en forêt par rapport aux autres milieux. Pour que ces avantages perdurent, il est important que les forestiers soient informés des impacts de leur gestion et de la réglementation en vigueur. En forêt, nous rencontrons l'eau sous différentes formes : des cours d'eau, des ruisseaux, des fossés, des zones humides, des mares, des étangs,… Dans un premier temps, nous essayerons d'éclaircir un peu la définition de ces différents états de l'eau, puis nous en évoquerons les conséquences.
Pendant longtemps, nous sommes restés perplexes face à une Police de l'eau nous parlant de "cours d'eau" devant un filet anémique coulant uniquement les jours d'orage. Depuis l'Instruction du 3 juin 2015 et de nombreuses jurisprudences, la définition d'un cours d'eau est un peu plus claire : "constitue un cours d'eau, un écoulement d'eaux courantes dans un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant une majeure partie de l'année. Trois critères cumulatifs doivent ainsi être retenus pour caractériser un cours d'eau : la présence permanente d'un lit, naturel à l'origine, un débit suffisant une majeure partie de l'année, l'alimentation par une source." Malgré cette définition, le législateur est bien conscient de la difficulté de l'exercice d'identification et demande à ses services d'apprécier la situation en fonction des conditions géographiques et climatiques locales. Pour clore définitivement le débat, le Ministère a même commandé une cartographie complète des cours d'eau par département. Dans les départements où cette démarche peut être réalisée sans difficulté majeure, ce travail doit être mené dans les meilleurs délais. Pour les autres, dont font probablement partie ceux de Lorraine et d'Alsace, ce travail prendra certainement plus de temps. Pour les cas complexes, il faudra donc continuer à nous fier à la Police de l'eau.
Même si la problématique des fossés se pose surtout en agriculture, il n’est pas rare de rencontrer ceux-ci en forêt. Le tout est de faire la différence avec les cours d'eau, car les conséquences ne sont pas les mêmes. Ainsi, le passage d’un fossé par un engin forestier n’est pas soumis à toute une procédure réglementaire, contrairement à un passage de cours d'eau. L'entretien courant d'un fossé (enlèvement de branches, nettoyage du fond sur moins de 30 cm de profondeur) est autorisé sans démarche particulière. Mais, rendre un fossé à nouveau fonctionnel nécessite, soit une déclaration, soit une autorisation de la Direction Départementale des Territoires (DDT), en fonction de la zone susceptible d’être drainée par le fossé remis en état. En effet, la rubrique de la loi concernée correspond à l'item 3.3.1.0 intitulé "Assèchement, mise en eau, imperméabilisation, remblais de zones humides ou de marais,...".
Si vous deviez rencontrer les services de la Police de l’eau des DDT, ou des agents de l’ONEMA, à l’occasion d’un projet forestier, vous entendriez certainement parler de IOTA (Installations Ouvrages Travaux et Aménagements).
Il s’agit de l’ensemble des projets soumis à une déclaration ou une autorisation administrative, au titre de la Loi sur l’eau. Ils sont listés dans un décret de 2006. Les différentes rubriques qui concernent la forêt sont nombreuses et doivent être analysées à l’occasion de la réalisation de votre projet. Pour éclairer un peu ces propos, voici quelques exemples
concrets.
Il est normalement entré dans les mœurs que lors des exploitations forestières, les engins ne doivent pas traverser les cours d'eau. Toute une série de techniques a été développée pour franchir les cours d'eau en évitant de détériorer leur fond et leurs berges (structure en bois, tubes plastiques PEHD, rampes métalliques). La mise en place de ces structures doit faire l'objet d'une déclaration. Un formulaire de déclaration est disponible par département sur le site internet du CRPF de Lorraine-Alsace. On veillera à ne pas encombrer le ruisseau avec les rémanents. On évitera également de travailler avec des engins en période humide, ce qui non seulement est désastreux pour les sols, mais provoque aussi un ruissèlement qui entraine tous les éléments fins vers les ruisseaux.
La création d’une desserte en présence de cours d’eau concerne au moins 6 rubriques de la Loi sur l’eau. Pour ce type de projet, nous vous conseillons de prendre contact avec un Technicien de la Police de l'eau de la DDT ou de l'ONEMA. Ce contact peut être suivi d’une visite de terrain. En effet, il faut vérifier que vous n'intervenez pas sur un ruisseau, ou que vous n'allez pas assécher une zone humide. Pour la mise en place d'ouvrages de franchissement, il faut s'assurer qu'il ait la bonne longueur, le bon diamètre et surtout qu'il soit correctement posé. Un des objectifs poursuivi est de ne pas entraver la continuité écologique. Dans les buses classiques, l'eau prend aisément de la vitesse et les poissons doivent être de véritables athlètes pour pouvoir les franchir. De plus à la sortie de la buse, la vitesse de l'eau crée un affouillement. Pour réduire ce phénomène, on peut vous proposer d'installer des demi-buses en PEHD.
Avec ce système, le fond du ruisseau reste en terrain naturel, le lit du cours d'eau n'est pas modifié. Idéalement, l'utilisation de ponts cadre est préférable aux buses classiques. Ces dispositifs restent cependant 3 à 4 fois plus chers ! Il est donc important de le prévoir dans l’estimation du coût du projet, mais cette solution doit rester une opération ponctuelle liée à la nature du cours d’eau traversé. Pour minimiser les risques, il faut également raisonner en multipliant les ouvrages, plutôt qu'en concentrant les eaux sur un seul passage. Toujours dans le chapitre gestion de l'eau, il est également important de ne pas négliger les bois d'eau ou revers d'eau. Ces derniers ont un rôle important pour éviter le ravinement de surface du chemin forestier ou de la piste, ils permettent également de limiter le déplacement des matériaux fins qui iraient combler le ruisseau le plus proche. Ces ouvrages peuvent être créés en profilant un léger creux dans la chaussée (cela permet aussi de faire ralentir les véhicules !).
La ripisylve est la formation végétale qui borde les ruisseaux et constitue une transition entre milieu terrestre et milieu aquatique. Elle a un rôle majeur dans la qualité des cours d'eau. Dans l'idéal, une bande de 5 mètres de part et d'autre des ruisseaux est préservée sans être reboisée ni accessible au passage des engins. La végétation naturelle qui s'installera (saule, aulne,…) sera privilégiée. Cette formation végétale assure une meilleure stabilité des berges (contrairement à l'enracinement traçant de l'épicéa, par exemple) et évite la divagation des cours d'eau. Ponctuellement, on procédera à des éclaircies dans ces feuillus pour maintenir un ombrage diffus, renouveler les arbres et favoriser l'apparition de plusieurs strates. Jamais on ne procédera à la coupe intégrale de la ripisylve.
Cet exemple nécessiterait à lui seul un article, tellement la réglementation associée est compliquée. Il est évident que la création d’un étang dans un massif forestier, lorsqu’il est conçu de façon réfléchie, apporte une plus-value environnementale en terme de biodiversité. Toutefois, créer un étang, c’est défricher une partie de son bois, c’est vérifier la compatibilité avec le SDAGE, c’est tenir compte de l'alimentation… Un tel projet ne s’improvise pas. Il se prépare, se construit et intègre toutes les démarches administratives nécessaires. Pour ne rien vous cacher, obtenir
l'autorisation de création d’un étang est extrêmement difficile aujourd’hui. Sachez également que même les étangs existants sont soumis à une réglementation complexe qui, lorsqu'elle n'est pas respectée, peut conduire à l'"effacement" de l'étang, autrement dit au rebouchage de l'étang aux frais de son propriétaire. Mais ce sujet fera l'objet d'un prochain article de FLOREAL.
De ces quelques exemples, il convient de retenir 4 idées :
Service Police de l’eau - DDT 54 au 03 83 91 40 00 ;
DDT 55 au 03 29 79 48 65 ; DDT 57 au 03 87 34 34 34 ;
DDT 88 au 03 29 69 12 12 ; DDT 67 au 03 88 88 90 10 ;
DDT 68 au 03 89 24 81 37.
En France, la prise de conscience de l’importance des masses d’eau pour nos concitoyens s’est traduite par une première Loi sur l’eau du 16 décembre 1964. Elle réglemente l’organisation de la gestion de l’eau autour de 6 grands bassins hydrographiques. Cette loi instaure déjà le principe de pollueur-payeur, visant ainsi la préservation de la qualité de l’eau dans l’intérêt de tous. Les Agences de l’Eau sont nées.
La Loi sur l’eau du 3 janvier 1992 marque un tournant de taille puisque l’eau devient "patrimoine commun de la nation". Il ne s’agit pas seulement de préserver la qualité de la ressource en eau, mais d'affirmer le rôle important des écosystèmes aquatiques dans la protection de cette ressource. Les Schémas Départementaux de l’Aménagement et de la Gestion des Eaux (SDAGE) et les Schémas d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) sont nés.
L’Europe s’implique également dans la protection de la ressource "eau" en promulguant la Directive Cadre sur l’Eau (DCE) le 23 octobre 2000. Cette loi fixe des objectifs en terme de préservation des eaux de surface et souterraines, mais prévoit également leur restauration en cas de mauvais état. Le bon état doit être atteint d’ici 2015 sur tout le territoire européen.
Comme la plupart des Directives européennes, la DCE est traduite en droit français par la Loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006. Comme son nom l’indique, la préservation ne concerne plus seulement la ressource en eau, mais bien tous les milieux associés à l’eau. L’Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques est né.
Comme pour toute loi, des décrets, arrêtés ministériels et circulaires permettent d’expliciter certaines dispositions. L’ensemble du cadre législatif de cette loi est inscrit au code de l’Environnement dans son Livre II – Titre premier (articles L. 210 à L .219).
Catherine Négrignat, Stéphane Asaël - CRPF
REMONTER EN HAUT DE PAGE
Besoin
d’un avis,
d’un conseil ?