Janvier 2014
Floréal n°95 - Décembre 2013
Je sais bien qu’il y a trop d’arbres" dit ce propriétaire, "il aurait fallu dépaissir" raconte un autre, "est-ce le moment de faire un éclaircissage ? " interroge un troisième. Ces quelques citations reflètent la situation générale : de nombreux propriétaires ont conscience qu’il faut éclaircir les peuplements résineux, mais hésitent souvent à passer à l’action. Pourquoi ? Le frein n’est pas tant la mise en œuvre technique de l’opération, mais plutôt une méconnaissance de ses multiples intérêts. Il nous semble donc utile de rappeler tous les avantages de l’éclaircie.
Une éclaircie consiste à prélever dans un peuplement un certain nombre de tiges, afin de concentrer la croissance sur celles que l'on choisit de laisser en place. De cette façon, on oriente progressivement la production ligneuse vers des débouchés à forte valeur ajoutée et on assure ainsi son optimum économique.
Le suivi rigoureux des interventions réalisées dans une propriété située sur la commune de Mortagne dans les Vosges illustre parfaitement notre propos.
On constate une production toujours plus importante de bois destiné aux sciages à chaque nouvelle éclaircie. Cette production est majoritaire dès 34 ans, pour devenir quasi-exclusive à peine quelques années après ! Il reste alors 372 m3 sur pied ; nous vous laissons deviner la suite...
Une placette témoin, dans laquelle seule la première éclaircie a été réalisée, avait été mise en place dans ce peuplement. L’analyse économique comparée des deux scénarii a fait ressortir à 40 ans, dans le cas où le peuplement serait récolté en totalité, un revenu total supérieur de plus de 20 % dans le peuplement éclairci !
Depuis la tempête "Lothar" de décembre 1999, la peur du coup de vent qui abat un peuplement aussi facilement qu’un château de cartes est palpable chez de nombreux propriétaires. Si elle n’a pas été tenue pour responsable du désastre, l’éclaircie a tout au moins été jugée inapte à limiter les dégâts. Voilà donc bien une idée fausse, désormais à évacuer. En effet, il faut rappeler que lors du passage de Lothar, le vent a soufflé jusqu’à 180 km/h dans nos régions ! Face à une telle violence, les peuplements forestiers, comme les personnes qui les gèrent, sont impuissants. En prenant comme référence un aléa d’intensité exceptionnelle, on en oublie que l’éclaircie a, au contraire, une réelle plus-value, face à des épisodes de vents moins violents, mais plus récurrents et pouvant être tout aussi destructeurs.
La stabilité des futaies résineuses face au vent est notoirement liée au rapport entre la hauteur des arbres et leur diamètre moyen. Si l’homme n’a quasiment pas d’influence sur la croissance en hauteur des arbres (seule la station est déterminante), il peut en revanche maîtriser la croissance en diamètre (JM Leclercq, CRPF Normandie). Et c’est bien là l’un des principaux objectifs des éclaircies : concentrer la croissance, et notamment l’augmentation régulière du diamètre, sur un certain nombre de tiges, ce qui permet d’assurer le meilleur équilibre entre hauteur et diamètre moyen. En l’absence d’intervention, on crée un peuplement à la physionomie bien connue : des tiges chétives et élancées, particulièrement sensibles au vent. Dans de nombreux cas, cette configuration peut conduire à une impasse sylvicole.
Les peuplements résineux, issus (souvent) de plantation, offrent une vision austère de la forêt. Les alignements rigides d’arbres, l’obscurité qui règne à l’intérieur du peuplement, l’absence de mélange d’essences suffisent à faire qualifier ces peuplements de "peu accueillants" et de faible valeur écologique et paysagère.
La réalisation des éclaircies successives va permettre d’effacer cette image. Les lignes de plantations disparaissent au profit d’une répartition hétérogène des tiges et l’apport de lumière au sol assure la réapparition d’une végétation basse herbacée et ligneuse, propice à une plus grande diversité faunistique et floristique et à un meilleur équilibre sylvo-cynégétique. La régénération naturelle bénéficie alors de conditions favorables à son installation, qui permettra de reconstituer le peuplement naturellement et donc de limiter les coûts.
Bien que fluctuants, les marchés des résineux, en particulier en ce qui concerne l’épicéa et le sapin pectiné, restent soutenus. C’est notamment le cas actuellement, avec une forte demande qui s’exprime à des niveaux de prix élevés dans toutes les catégories de produits, qu’il s’agisse de bois d’industrie ou de bois destinés aux sciages.
L’éclaircie est une intervention sylvicole qui affiche des avantages à la fois nombreux et complémentaires. Sa mise en œuvre technique s’appuie fréquemment sur un canevas assez simple qu’il convient cependant d’adapter en fonction, notamment, de la densité du peuplement. Pénalisée par le morcellement, l’éclaircie a pu montrer des lacunes en terme de rentabilité économique dans des peuplements qui occupent une faible surface. Les actions menées actuellement dans le cadre des Plans de Développement de Massifs ont montré tout l’intérêt des opérations concertées.
Des avantages nombreux, un marché porteur, des outils concrets permettant de surmonter l’obstacle du morcellement, un seul mot d’ordre, donc : Éclaircissez !
Alban Depaix, Jean-Luc Dislaire - CRPF
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