Avril 2015
Qu’est-ce donc qu’une forêt ancienne ? Une forêt de vieux arbres centenaires ? Pas forcément. Une forêt ancienne est un espace boisé qui n’a pas connu de défrichement depuis 200 ans. Et cette présence continue d’arbres dans le temps lui confère des caractéristiques spécifiques et une valeur patrimoniale particulière. Coup de projecteur sur ce nouveau concept des forêts anciennes.
Par le passé, l’évolution de la démographie, les nombreux droits d’usage au Moyen-Âge, les défrichements pour les besoins de l’agriculture, les guerres, ont mis à mal les forêts françaises. Leur surface n’a cessé de diminuer pour atteindre un minimum forestier de 7 millions d’hectares dans la première moitié du XIXème siècle. Suit alors une période de recolonisation de l’espace par la forêt, du fait de la déprise agricole d’une part, d’importants programmes de reboisement d’autre part (restauration des terrains en montagne, plantations du Fonds Forestier National). La surface forestière a ainsi doublé en un peu plus d’un siècle et demi pour atteindre aujourd’hui 16 millions d’hectares.
Plus de la moitié des forêts actuelles était donc, il y a moins de deux siècles, des terres cultivées. Ces forêts "récentes" présentent souvent des indices révélateurs de leur passé agricole : vestiges d’aménagements réalisés à des fins de culture (terrasses, banquettes, murets, réseaux de fossés), présence de graminées typiques des prairies, ou d’une flore affectionnant l’azote et le phosphore des anciennes fumures agricoles. A l’inverse, seul un tiers des forêts présentes au XVIIIème siècle sont encore des forêts aujourd’hui. Voilà donc notre "noyau dur" de forêts anciennes. Ces dernières doivent souvent leur salut aux sols plus difficiles sur lesquels elles poussent, peu favorables à l’agriculture. A noter que l’ancienneté dont il est question ne fait pas référence à l’âge du peuplement, ni à sa naturalité, mais à la continuité de l’état boisé dans le temps. Une forêt ancienne peut donc être constituée de jeunes arbres, d’arbres mûrs, ou d’une mosaïque de différents stades de développement. Ces forêts anciennes ont elles aussi leurs plantes caractéristiques, qui varient selon les régions. Dans nos plaines et collines, par exemple, le muguet, l'anémone des bois ou la primevère élevée témoignent d’un état boisé ancien. Plus difficile à observer, et moins étudié, le cortège faunistique est également très influencé par la continuité de l’état boisé.
Les forêts anciennes présentent une plus grande richesse en espèces d’insectes coléoptères de la litière et en espèces saproxyliques rares (coléoptères du bois mort). On y observe également une diversité et une abondance plus grande en vers de terre, gastéropodes, myriapodes (famille des mille-pattes).
Toutes espèces confondues, les forêts anciennes ne sont globalement pas plus riches que les forêts récentes. Et la plupart de leurs espèces caractéristiques, en particulier végétales, ne sont pas rares. Leur valeur patrimoniale s’explique par la composition très particulière de leurs cortèges floristique et faunistique, et notamment la présence d’un nombre important d’espèces végétales et animales à faible pouvoir de colonisation. En effet, muguet, anémone des bois et primevère... se reproduisent essentiellement par rhizome ou bulbe et produisent peu de graines, souvent grosses et lourdes. Les plantes de forêts anciennex ne se déplacent ainsi en moyenne qu’à une vitesse de 30 mètres par siècle (!) et ne supportent pas les fortes modifications du sol. D’où la fragilité de ces écosystèmes et le risque important de perdre ces espèces peu dispersives suite à des perturbations brutales du milieu (défrichement, dessouchage, désherbage chimique, fertilisation). Préserver ce patrimoine forestier particulier n’interdit pas pour autant les interventions sylvicoles car les forêts anciennes sont peu sensibles à l’intensité de la gestion forestière, ou au type de traitement. A condition de restreindre les coupes rases, de limiter au maximum les perturbations du sol et, bien sûr, de ne pas défricher.
Différents fonds cartographiques anciens existent pour connaître la répartition passée des forêts : la carte de Cassini, le cadastre napoléonien, la carte d’Etat-Major. Cette dernière, établie entre 1818 et 1866 -période proche du minimum forestier français- est la plus précise pour déterminer s’il y a eu continuité de l’état boisé dans un secteur depuis le début du XIXème siècle jusqu’à aujourd’hui. Elle peut être consultée sur www.geoportail.gouv.fr
Maren Baumeister - CRPF
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