Mai 2023
Quand nous entrons dans une forêt, la première chose que l’on voit ce sont les arbres, les arbustes, la végétation au sol, les équipements de desserte telles que les routes ou pistes, éventuellement les dépôts de bois en vue de leur chargement par les grumiers. Pour sa gestion et les récoltes à venir, le forestier lui évalue entre autres la croissance des arbres, leur état sanitaire, les capacités de renouvellement des peuplements, la faune et la flore mais il s’intéresse aussi à ce qu’il a sous ses pieds à savoir le sol forestier. Car c’est sous ses pieds que se joue une partie de l’avenir de son peuplement et qu’il lui en convient de bien en comprendre la diversité, la complexité et la fragilité.
Le dictionnaire Le Robert définit le sol comme la partie superficielle de la croûte terrestre, à l’état naturel ou aménagée par l’homme.
Or, ce que nous voyons ce n’est que la partie visible de ce sol, ainsi si on se met à le creuser pour voir comment il est constitué (les spécialistes du sol ou pédologues parleront de fosse pédologique) ; on verra qu’il est composé d’air, d’eau, de particules organiques et minérales mais aussi qu’il héberge des organismes vivants (certains visibles comme les vers de terre, d’autres microscopiques) et il est le milieu dans lequel se développement les racines. On pourra observer des couches de diverses colorations, brunes, noires, orangées… ; que les particules minérales peuvent être de différentes tailles : pierres, graviers, sables, limons ou argiles.
Au final, le sol est un milieu vivant qui fait l’objet d’études, d’analyses et de suivi : la pédologie.
Les sols forestiers sont issus de deux phénomènes ; d’une part l’altération chimique et physique de la roche mère qui est un processus long et, d’autre part, de la transformation des composés organiques par les organismes vivants du sol qui est processus plus rapide mais qui s’inscrit néanmoins dans le temps long.
La transformation des composés organiques issus des feuilles, aiguilles, branches qui tombent des arbres ou les troncs des arbres morts mais aussi toutes les parties des plantes ou animaux est réalisée par tout un ensemble d’organismes qui vivent dans le sol. Ils broient, réduisent et décomposent en permanence et plus ou moins rapidement (de 1 à 5 ans) cette matière organique et ce en fonction des conditions physico-chimiques. Cette action des différents organismes va créer l’humus, couche superficielle des sols forestiers.
Les sols forestiers sont composés d’un ensemble de couches plus ou moins épaisses appelées « horizons» qui reposent sur une base dite « la roche mère ».
La première couche visible et facilement observable, comme indiqué au paragraphe précédent est l’humus. Il s’agit d’une couche brunâtre à noire avec une odeur caractéristique qui retient très bien l’eau. C’est la couche biologiquement la plus active et la plus fertile. On en distingue de différents types, fonction du climat, de la nature de la roche mère et donc l’acidité du milieu mais aussi de l’engorgement en eau.
Les formes d’humus sont définies sur la base de la succession, de l’épaisseur des différents horizons humifères et de la profondeur d’incorporation de la matière organique dans la matière minérale. Ainsi dans nos forêts tempérées on trouvera principalement des mull, moder et mor qui caractérisent respectivement les sols les plus fertiles aux sols les plus pauvres. Cette richesse se traduit par une litière peu épaisse car bien dégradée pour les mull à une litière épaisse de dégradation plus lente pour les mor.
Afin de déterminer un sol et donc de définir ses propriétés mais aussi ses fragilités, le forestier ou le pédologue vont s’intéresser à différentes caractéristiques résumées dans le tableau ci-après. Pour déterminer certaines de ces caractéristiques un sondage à la tarière pédologique est suffisant ; pour d’autres il sera nécessaire de creuser une fosse pédologique (*).
Couleur du sol : Détermination des couleurs à l’aide d’un nuancier ou d’une charte ; cela permet d’identifier et de délimiter les horizons mais aussi d’estimer la teneur en humus et de repérer l’hydromorphie (signes de saturation en eau cf. point suivant).
Texture du sol : Détermination de la texture de la terre fine minérale par le toucher (sable 2,0-0,05 mm, limon 0,05–0,002 mm, argile <0,002 mm). La classification des sols sur la base de la texture s’appuie sur un triangle dénommé triangle des textures.
Ainsi, en fonction de la texture, le sol sera plus ou moins sensibles au tassement.
Appréciation de la part de volume et réparition des classes de grosseur des pierres (particules >2mm). Elle ser base par exemple sur des grilles visuelles d'estimation.
Charge en cailloux*
Structure : Appréciation de la manière dont les particules constitutives d’un sol (sable, limon et argile) sont agrégées entre elles. Lorsque ces éléments n’ont aucune cohésion entre eux, on parle de structure particulaire ou, inversement, lorsqu’ils font bloc (cas des argiles lourdes ou des limons très compactés), on parle de structure massive.
Hydromorphie : Présence de signes d’engorgement permanent ou non du sol : concrétions de manganèse (points noirs), taches de rouille, marbrures (coloration rouge pâle), couleurs de réduction (gris ou bleu).
Densité du sol* : Détermination de la résistance à la pénétration d’un couteau dans la paroi du profil ; plus le sol est dense, plus la résistance est forte
Porosité : Appréciation visuelle de la porosité (aération du sol) : galeries de vers de terre et micropores.
Acidité : Détermination du pH ; détermination de la teneur en calcaire de la terre fine et de la roche (utilisation de test à l’effervescence de l’acide chlorhydrique)
Enracinement* : Appréciation du nombre de racines à différentes profondeurs selon certaines classes.
Les horizons d’un sol sont les différentes couches superposées d’un sol que l’on distingue en fonction de leurs caractéristiques. On en distingue les horizons par les lettres O, A, B et C de la surface du sol jusqu’à la roche mère (R).
O - horizon organique, c'est-à-dire là où se dépose la matière organique morte (l’humus décrit précédemment)
A - horizon mixte (normalement situé à la superficie du sol) d'incorporation de la matière organique à la matière minérale.
B - horizon d'accumulation de la matière minérale plus en profondeur.
C - horizon constitué dans la zone d'altération de la roche-mère. Il matérialise ma transition avec le sous-sol : la roche mère.
Source internet Wikipédia
En fonction des différentes caractéristiques des horizons, de leur présence ou absence on peut donc déterminer le type de sol (ex sol brun, podzosol).
Sylvain Gaudin © CNPF – Sol brun lessivé (deux couches sable sur argile)
Chaque type de sol va déterminer les potentialités forestières, sa richesse en éléments minéraux, ses sensibilités et donc aussi les potentialités d’accès au regard du risque de tassement, d’orniérage lors des travaux forestiers mécanisés.
En fonction des sols et donc de la station forestière, le forestier va pouvoir adapter sa gestion, ses modes d’exploitation, le choix des essences ou de prévoir les interventions en fonction de la météo ou de la saison.
Les sols forestiers sont comme nous l’avons écrit précédemment des milieux vivants, leur composition, leur sensibilité et leur complexité sont donc à prendre en compte dans le cadre de la gestion forestière.
Récolte des rémanents et export de matière minérale
En fonction de la richesse minérale d’un sol, le propriétaire se doit de se poser la question si dans le cadre d’une récolte de bois énergie il doit ou non laisser les rémanents sur le parterre de la coupe. En effet, les branches de diamètre inférieur à 7 cm que l’on désigne par rémanents tout comme les feuilles ont une teneur importante en éléments minéraux. Or leur décomposition permet de maintenir la fertilité des sols d’autant plus si ce sol est par nature déjà pauvre en éléments minéraux.
Des guides sur l’impact du prélèvement du bois énergie en forêt – focus sur la réservation des sols ont été publiés notamment par l’ADEME intitulé « Récolte durable de bois pour la production de plaquettes forestières ».
Exploitation forestière
En fonction des caractéristiques d’un sol forestier (texture, pierrosité, hydromorphie, état d’humidité), ce dernier sera plus ou moins sensible à des phénomènes de tassement, d’orniérage voire de liquéfaction sur sols très humides qui peuvent apparaître lors des travaux d’exploitation forestière.
Pour y remédier, l’organisation des chantiers forestiers avec mise en place systématique de cloisonnements forestiers, équipements des engins avec des pneus larges, des tracks ou utilisation de systèmes alternatifs ou complémentaires tels que le câble mat entre autres sont des solutions à mettre en œuvre sans oublier l’arrêt des chantiers en fonction des conditions météorologiques.
L’ONF et la Fédération nationale des entrepreneurs de travaux forestiers ont édité en 2021 le guide Pratic’sols qui vise à répondre à cette problématique de protection des sols en mettant en avant 23 recommandations de protection des sols et une méthodologie décisionnelle.
Ainsi, le sol forestier, n’est pas uniquement le support des arbres forestiers. Il constitue un milieu vivant support de la biodiversité dont dépend la santé, la vigueur mais aussi la stabilité des peuplements forestiers. Comme tout milieu, il est complexe, fragile et se doit d’être pris en compte dans la gestion forestière. Sa connaissance fait appel à un ensemble de savoirs et concerne tous les acteurs : propriétaires forestiers, gestionnaires, exploitants forestiers et entreprises de travaux forestiers.
Guide Pratic’sol : site internet de l’ONF
Site internet GISSOL : partage de la connaissance des sols
https://www.gissol.fr/donnees/cartes/les-types-de-sol-en-foret-de-production-hors-peupleraie-3381
Comprendre la diversité et les fonctions des sols forestiers (sites internet Suisse)
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