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Arbres et forets

L’Indice de Biodiversité Potentielle : un outil simple pour évaluer la diversité biologique en forêt

Avril 2016

Comment approcher la qualité biologique d’une forêt, ou d’un peuplement forestier, sans avoir recours à des inventaires scientifiques longs, coûteux et parfois sans finalité de gestion ? C’est sur la base de ce postulat qu’une équipe de l’Institut pour le Développement Forestier a développé, à partir de 2008, l’Indice de Biodiversité Potentielle.

Floréal n°104

Comment approcher la qualité biologique d’une forêt, ou d’un peuplement forestier, sans avoir recours à des inventaires scientifiques longs, coûteux et parfois sans finalité de gestion ? C’est sur la base de ce postulat qu’une équipe de l’Institut pour le Développement Forestier a développé, à partir de 2008, l’Indice de Biodiversité Potentielle.

Une approche originale

Il s’agit d’une approche indirecte de la biodiversité forestière, en s’intéressant en particulier aux habitats pouvant potentiellement être occupés par une faune et une flore spécifiques et souvent inféodées à des milieux tout à fait « originaux ».

En parcourant sa forêt muni d’une grille de notation, le propriétaire pourra évaluer le niveau de biodiversité de ses peuplements. Seul ou en équipe, cette méthode est rapide mais ne reste qu’un indice. Elle reflète donc une situation à un moment donné. Pour évaluer l’impact de la gestion forestière sur le niveau global de biodiversité, il est conseillé de suivre cet indice dans le temps.

Les spécialistes font souvent la différence entre la biodiversité remarquable (une plante protégée, par exemple) et la biodiversité ordinaire (un écureuil). L’IBP permet de se familiariser avec ces différentes notions de façon pragmatique et souvent ludique.

Les facteurs à prendre en compte

La description se base sur 10 critères. Les 7 premiers ont un lien direct avec les peuplements forestiers, leur gestion et leurs conditions stationnelles :

Les essences naturellement présentes :

Ce facteur caractérise le mélange et la diversité en essences, mais n’intègre pas les arbres introduits par plantation, comme le mélèze ou le douglas.

La structure verticale de la végétation :

La variété des étages dans une forêt permet la multiplication des habitats pour l’accueil de la faune ou la flore.

Les bois morts de grosse dimension (diamètre supérieur à 40 cm) :

Dans nos forêts, 20 à 25 % des espèces forestières sont dépendantes du bois mort à un moment de leur cycle de vie. Certains insectes, par exemple, se nourrissent de bois mort. 2 facteurs sont distingués : les arbres morts sur pied et ceux à terre.

Les très gros bois vivants (diamètre de 70 cm et au-delà) :

Du fait de leur grande dimension, ils offrent des surfaces d’accueil particulières (architecture des branches, dimension des troncs…). Ces bois restent souvent rares dans les forêts gérées.

Les arbres vivants porteurs de microhabitats :

En langage plus commun, il s’agit des ″défauts" qu’un arbre peut présenter, une cavité, une fissure, une branche maîtresse cassée, une blessure, du lierre… Ces singularités offrent une multitude d’habitats à de nombreux petits animaux.

Les milieux ouverts :

Il s’agit des trouées (non régénérées) de quelques ares, des landes, des tourbières, des éboulis clairs, des lisières. Ce dernier critère permet d’aborder la notion de mosaïque d’une forêt : plus les milieux seront différents et contrastés, plus les habitats seront variés.

C’est donc sur la base de ces 7 facteurs que le propriétaire, en fonction de ses objectifs, pourra orienter sa gestion pour maintenir ou améliorer tel ou tel élément de diversité dans ses peuplements.

Les 3 derniers facteurs sont inféodés au contexte de la forêt :

La continuité temporelle de l’état boisé :

Les forêts anciennes, c’est-à-dire qui n’ont pas connu de défrichement depuis plus de 200 ans, se caractérisent par une diversité biologique élevée. Déterminer si sa forêt est ancienne revient à étudier les cartes d’Etat Major ou de Cassini.

Les milieux aquatiques :

Leur présence dans une forêt améliore sensiblement la variété des milieux colonisables par les amphibiens, par exemple. Il s’agit ainsi des mares forestières, des bras morts,…

Les milieux rocheux :

Colonisés par les mousses, les fougères ou les lichens, les rochers et les pierriers constituent des habitats à part entière.

C’est donc sur la base de ces 10 critères que l’indice de biodiversité sera mesuré. Chaque facteur est affecté d’une note (0, 2 ou 5) déterminée à partir de valeurs seuil. L’utilisation de l’IBP est particulièrement adaptée aux forêts adultes. Un poids certain est donné aux facteurs caractérisant le degré de naturalité des forêts. La comparaison de l’IBP entre les types de peuplements est intéressante à réfléchir et nuancer à l’échelle de la forêt. Elle oriente la hiérarchisation des interventions sylvicoles.

Comment procéder sur le terrain ?

L’inventaire se prépare. Il peut être conduit à l’occasion du renouvellement d’un plan simple de gestion, par exemple. Comme l’IBP est attaché à un type de peuplement, il convient de connaître ces derniers. L’IBP gagne en intérêt si un massif forestier est suffisamment homogène. La description peut se faire à l’avancée suivant des transects prédéfinis (voir carte). Avec les outils de localisation existants, la progression est très facile. L’installation de placettes dont la dimension sera préétablie peut également être une alternative d’inventaire.

L’IBP peut également s’envisager dans le cadre de l’inventaire en plein d’une parcelle (à condition que les peuplements soient homogènes), ou lors d’un martelage. Pour être le plus efficace, on peut combiner l’inventaire IBP avec une autre action forestière.

Des résultats en quelques exemples

Dans le cadre des plans de développement de massifs, des inventaires IBP ont été réalisés sur le Rupt-de-Mad et sur le secteur de Thionville. La méthode utilisée suit un protocole d’inventaire, de façon à être reproduite dans le futur. Les résultats peuvent prendre la forme de la figure ci-dessous.

IBP contexte et IBP peuplement et gestion par relevé Massif du Herrenbusch

Globalement, sur ce secteur du PDM de Thionville, le niveau de biodiversité est variable d’un transect à l’autre, mais on note tout de même un centrage des résultats autour d’une valeur moyenne (couleur jaune). Ce niveau de l’IBP est expliqué par un déficit de bois mort sur pied et l’absence d’ouverture dans les peuplements. Assez homogène dans son ensemble, le massif décrit est constitué de petites parcelles forestières appartenant à une multitude de propriétaires.

Les très gros bois de hêtre ou de chêne sont légion et marquent fortement le paysage forestier. L’IBP ne répond pas ici à la propriété, mais au type de peuplement. Son suivi dans le temps permettra d’apprécier les conséquences de la mobilisation de bois sur la diversité biologique dans ces massifs.

Dans le cadre d’un projet de desserte forestière en Alsace, dans un site classé au titre du code de l’environnement, une analyse paysagère et environnementale s’est appuyée sur un inventaire IBP. Le long de 5 transects, la végétation forestière a été décrite. Les résultats figurent sur la figure ci-dessous.

Le niveau de biodiversité est globalement assez élevé. La situation du projet en altitude et sur de fortes pentes détermine une zone de très forte naturalité, avec l’existence d’un habitat forestier très rare à l’échelle des Vosges. La mise en place de cet inventaire a permis de repérer et de cartographier des éléments importants de biodiversité s’ajoutant aux critères de l’IBP.

Enfin, dans le cadre de la révision d’un PSG, les résultats d’un inventaire IBP ont révélé la très forte présence de très gros bois et l’absence de bois mort quelle que soit sa catégorie. Tout à fait positif pour la biodiversité, cette concentration d’arbres de plus de 70 cm de diamètre (TGB) empêche cependant tout renouvellement de la forêt. Un équilibre est donc à trouver entre le maintien d’un stock de TGB et l’avenir du peuplement.

Un inventaire, d’accord, mais en combien de temps ?

D’après la documentation générale sur l’IBP, il n’est pas utile de procéder à un inventaire total du ou des peuplements à décrire. Un seuil de 15 % minimum suffit. Ainsi, sur la base des inventaires réalisés, voici concrètement le temps qu’un opérateur peut passer à réaliser son inventaire. Vous prévoyez votre inventaire dans une forêt de plaine de 40 ha présentant des peuplements adultes très homogènes (des mélanges futaie-taillis, par exemple). Retenons 20 % de représentativité, la surface à échantillonner est de 8 hectares. Le parcours selon des transects sera de 2,6 kilomètres.

La durée de l’inventaire sera de l’ordre de 2 heures, soit 15 minutes par ha. Ramené à l’échelle de la propriété, le temps n’est plus que de 3 minutes par ha. En conclusion, si de prime abord, la technique de mise en oeuvre de l’IBP semble facile et pratique, il est important de respecter les quelques principes liés aux modalités d’inventaire et de bien rester prudent dans l’interprétation des résultats, surtout lorsqu’il s’agit de comparer des peuplements sur la base de leur IBP.

De nombreux documents sont consultables sur le site internet de la forêt privée française. En outre, une journée d’information est programmée à l’automne dans les Vosges. N’hésitez pas à vous renseigner auprès du secrétariat du CRPF.

Stéphane Asaël - CRPF

Une forêt gérée n’est pas synonyme d’absence de biodiversité, bien au contraire. Certes, la mise en oeuvre de l’Indice de Biodiversité Potentielle est particulièrement adaptée dans les peuplements d’une certaine maturité. Ainsi, sur 7 critères liés au peuplement, 4 décrivent le niveau de naturalité d’une forêt (très gros bois, bois mort et arbres à singularités). Toutefois, ce qui compte également, c’est la notion de mosaïque c’est-à-dire la juxtaposition à l’échelle d’un massif forestier de différents types de peuplements (une futaie de résineux à côté d’un perchis de feuillus, succédant à une vieille futaie de résineux). Aussi, une plantation de résineux au sein d’une forêt mélangée ne remet-elle pas en cause la biodiversité dans son ensemble.

Article extrait de la revue FORÊT DE FRANCE, la revue nationale de la forêt privée, diffusé auprès des propriétaires et professionnels de la filière forêt-bois.

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