Gestion, réglementation et administration
Septembre 2015
Le Syndicat, comme Janus, a deux faces : l'une conteste et revendique, l'autre propose et construit. Pour cette chronique, j'avais prévu de vous parler avec ma bouche constructrice de la COP 21 et de la nécessité qu'il y a, pour les acteurs de la filière forêt-bois, à s'engager plus avant dans la transition énergétique. Mais l'actualité ne m'en laisse pas le loisir, et me contraint à parler avec ma bouche contestataire. Jugez-en !
Celle-ci revient sur l'abattement des 3/4 de la valeur des bois pour la taxation des successions et l'I.S.F. Elle estime que cet abattement, dont le coût est évalué à 20 millions d'€uros par an, est une mesure patrimoniale, déconnectée de la politique forestière gouvernementale (récolter plus), et qu'il faut donc la supprimer.
Mais, si chaque année, ou à chaque succession, un impôt sur le patrimoine vient taxer notre production stockée depuis 30 à 120 ans, nous allons déstocker massivement, c'est-à-dire vendre nos grumes et déshabiller nos forêts. Les premières années seront catastrophiques à cause du surplus de bois sur le marché, et des années plus tard, il y aura disette de production.
Au lieu de raisonner ainsi à courte vue, nos magistrats feraient mieux de veiller à leurs propres dépenses : les membres de la Chambre Régionale des Comptes de Lorraine ne se trouvaient pas bien à Epinal ; on les relocalise donc à Metz, où il va falloir leur installer de nouveaux locaux, tandis qu'on ne saura pas quoi faire de ceux d'Epinal. Coût de l'opération : 5 millions d'€uros, selon le député-maire d'Epinal. 5 millions d'€uros, c'est déjà 30 % de la somme que le gouvernement n'a pas voulu verser au CNPF en 2015 au titre de ses frais de service public, si bien qu'on n'a toujours aucune assurance sur la solvabilité du CNPF à la fin du 1er semestre 2016 !...
Ajoutons que chaque magistrat de la Chambre Régionale touchera 25.000€uros comme prime de déménagement. 25.000 €uros, c'est la moitié du coût total annuel d'un technicien forestier de nos Plans de Développement de Massif. Et je vous rappelle qu'à ce jour, nos techniciens PDM ne sont toujours pas financés pour l'année 2016.
Cherchez l'erreur !!! "Selon que vous serez puissant ou misérable...", constatait déjà notre grand La Fontaine.
On parle de simplification administrative. Ô joie, ce nouveau document fait 15 pages et demande un nombre de renseignements tout- à-fait impressionnant. J'ai relevé le haut de la page 11 : vous devez indiquer pour les années n - 1 et n votre bilan financier de l'année en €uros : "recettes nettes bois, recettes chasse, autres recettes (dont concessions), subventions et aides, dépenses travaux sylvicoles, dépenses travaux d'infrastructure, dépenses travaux non sylvicoles, impôts, autres dépenses, bilan, résultat en €uros par hectare et par an".
En fait, on nous demande de fournir la liasse fiscale d'une entreprise, alors que nous relevons d'une imposition forfaitaire agricole. Cette demande me paraît totalement abusive.
La programmation précédente des fonds européens couvrait 2009-2013. On a commencé à réfléchir à la suite courant 2013. Fin 2015, le programme 2014-2020 n'est toujours pas entré en vigueur. C'est-à-dire que pour 7 ans d'action, on aura mis plus de 2 ans de préparation, pendant lesquels on n'a rien fait d'autre que discuter.
C'est 29 % du temps stérilisé. C'est de la folie ! Nos bureaucraties sont complètement à côté de la plaque : on sait bien qu'un programme demande du travail, de la discussion, de la maturation, mais cela doit se faire en temps masqué, pendant la fin d'exécution du programme précédent. Vous imaginez une entreprise qui ne produise pas pendant deux ans tous les 7 ans ???
En théorie, les CRPF disposent d'une gouvernance professionnelle assurée par des forestiers élus. En fait, dès l'origine, cette gouvernance était très strictement encadrée par les règles des établissements publics. Par exemple, c'est le Ministre, et non le Président, qui nomme le Directeur.
Depuis, le pouvoir de décision des élus n'a cessé de se réduire : imposition par Bercy d'un plafond d'emplois, fusion des Centres Régionaux en un établissement national, spoliation des fonds propres par la dernière loi de finances.
Et voici qu'on nous annonce que désormais, nous n'aurions plus la liberté de recrutement et que nous devrions recruter nos collaborateurs uniquement parmi des fonctionnaires de l'Etat !
Cher lecteur, pour ce qui me concerne, ma doctrine est faite : le jour où j'estimerai que je suis un élu devenu trop fantoche et doté du seul pouvoir de dire "AMEN", j'abandonnerai ce mandat pour réserver mon temps à l'action syndicale.
Pour conclure, sans vous donner trop d'ulcères d'estomac, je reviendrai sur le sujet de la COP 21 : notre terre va mal, l'humanité est en train de la détruire, mais la forêt et le bois font partie de nos espoirs de corriger le tir.
Si vous le pouvez, venez à Paris le 13 novembre, participer au grand forum de la forêt. Engageons nous vigoureusement dans la transition énergétique !
François Godinot Président de Forestiers Privés de la Meuse
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