Novembre 2015
Dans un contexte d’augmentation de l’utilisation du bois, spécialement dans la construction, le renouvellement de la ressource résineuse est aujourd’hui devenu stratégique pour garantir l’approvisionnement de la filière et assurer des revenus aux producteurs forestiers. Pour autant, il faut garder à l’esprit que le choix de l’essence de reboisement dépend avant tout du sol et des conditions climatiques locales. La sécheresse de l’été 2015 est là pour nous rappeler que prendre des précautions élémentaires est nécessaire avant de faire des choix qui nous engagent sur plusieurs décennies.
Prisé aussi bien par les scieurs que par l’industrie (papetiers notamment...), l’épicéa est une valeur sûre pour le propriétaire forestier. Le sapin pectiné et le pin sylvestre, conduits correctement, donnent aussi des produits de qualité que nos scieurs du massif vosgien savent exploiter. Enfin, les douglas et mélèzes, autrefois "boudés" par les industriels locaux, sont aujourd’hui très recherchés.
Autant de raisons pour utiliser ces essences en reboisement comme en régénération naturelle, à condition d’en respecter les exigences écologiques. En effet, sapins et épicéas sont des essences dont les besoins en eau sont importants. Face aux changements climatiques, leur culture doit être réservée aux zones où l’alimentation en eau restera suffisante (montagne notamment). Leur introduction en plaine présente des risques très élevés.
Quant aux douglas et pin sylvestre, les dépérissements observés dans le centre et le sud de la France en 2003 doivent également inciter à une certaine prudence. Seule une analyse fine de la « station forestière » (sol + conditions topographiques et climatiques locales) permet de choisir l’essence à installer. L’adaptation essences/stations doit, plus que jamais, être le premier critère de décision. Les guides pour le choix des essences couvrent désormais la quasi-totalité des régions Lorraine et Alsace. Ils constituent des bases solides pour la prise de décision. La majorité n’intègre cependant pas les changements climatiques. L’avis d’un technicien permettra toujours de conforter le diagnostic.
Le mélange d’essences constitue une précaution élémentaire. Il doit cependant être bien étudié pour rester compatible avec une gestion économique performante (cf. articles des FLOREAL 75 et 76, téléchargeables sur le site du CRPF, qui traitent spécifiquement des mélanges).
Les monocultures sont à considérer avec circonspection. Si cette option était néanmoins retenue, il conviendrait d’en limiter les surfaces de façon à atténuer la prise de risque.
Donner des seuils n’est pas chose aisée tant les facteurs à prendre en compte sont nombreux : essences concernées, situation pédologique, climatique, relief (10 ha de résineux en montagne ne sont pas comparables à 10 ha de résineux en plaine), taille de la propriété... mais au-delà de 10 ha (et parfois moins), l’introduction d’une essence résineuse en monoculture constitue une prise de risque conséquente qu’il est préférable d’éviter, d’autant que nous avons la chance d’être dans une région où nous avons encore un panel suffisant d’essences utilisables.
Rappelons par ailleurs que le cahier des charges PEFC (certification forestière) recommande de ne pas dépasser 10 ha de coupe rase en plaine et 2 ha en montagne et qu’il préconise le mélange d’essences.
Enfin, l’introduction de résineux doit être raisonnée dans certaines zones particulières comme, par exemple, les bordures de cours d’eau où il est préférable de choisir des essences feuillues à système racinaire qui fixe les berges et dont la litière est non acidifiante (l’aulne par exemple), ou dans certains secteurs de protection réglementée.
Avant toute chose, il est essentiel de réaliser un diagnostic (cf. Forêt entreprise N° 214) pour vérifier que le choix de la plantation est judicieux. Si c’est le cas, il convient d’anticiper et de préparer l’opération très en amont. Le choix et la réservation des plants, la détermination des travaux préparatoires éventuels et du mode de plantation doivent faire l’objet d’une réflexion approfondie et correspondre au site de plantation et aux moyens du propriétaire.
Une plantation réussie passe d’abord par des plants de qualité. Il est impératif de commander des provenances de plants adaptées à la région.
La provenance correspond à l’origine de la graine et non à la pépinière où l’on s’approvisionne. Il faut ensuite préciser les dimensions et âges souhaités.
La réglementation définit des âges maximum en fonction des tailles de plants, ainsi que des normes qualitatives à respecter par le fournisseur.
Respecter ces normes est indispensable pour ménager toutes les chances de succès de la plantation et être éligible aux aides de l’Etat.
Toutes les informations sur les provenances et normes sont consultables sur le site du Ministère de l’Agriculture (http://agriculture.gouv.fr/conseilsdutilisation-des-provenances-et-varietes-forestieres et http://agriculture. gouv.fr/materiels-forestiers-de-reproduction-arretes-regionaux-relatifsaux-aides-de-letat-linvestissement).
Essences | Conditionnement | Age maximum des plants | Hauteur en cm | Diamètre minimum en cm | Volume du godet en cm |
Abies alba |
RN |
4 | 15-25 | 6 | |
5 | 25-35 | 7 | |||
5 | 35 et + | 9 | |||
G | 4 | 10 et + | 5 | 400 |
Extrait de normes d’âges et de dimensions pour le sapin pectiné (Abies alba). RN = Racines nues. G = Godet. Le diamètre est à mesurer au collet du plant (partie de la tige située au ras du sol avant les racines). La hauteur est mesurée entre le collet et le bourgeon terminal.
Lors de l’arrivée des plants sur le chantier, il convient de procéder à une réception pour contrôler le matériel végétal : dimensions, provenances (avec le document d’accompagnement des plants obligatoirement fourni par le pépiniériste), qualité et fraîcheur. Le conditionnement après la réception est très important. Il faut prévoir le stockage des plants à l’avance : préparation d’une jauge (tranchée où l’on enterrera les racines), ou stockage des plants au frais en sacs de protection. Il suffit de quelques minutes au soleil pour que le taux de reprise, ainsi que la croissance initiale des plants, chutent de façon spectaculaire.
Le travail du sol dépend de l’état de la parcelle à replanter : présence de souches, de rémanents d’exploitation, de différents types de repousse naturelle, ou encore de tassements du sol éventuels. Il dépend également des densités et modes de plantation envisagés. Il existe une très grande variété d’outils utilisables, depuis le simple gyrobroyeur jusqu’aux engins de travail du sol en profondeur, type sous-soleur, ou charrue forestière, en passant par des matériels de travail localisé du sol. L’INRA et la Mission de Gestion de la Végétation en Forêt (MGVF) à laquelle collabore le CNPF ont édité une série de brochures très complètes pour informer les sylviculteurs sur les méthodes utilisables. Nous vous invitons chaudement à aller les consulter sur le site suivant : http://www6.nancy.inra.fr/mission-gestion-vegetation-foret/Activites/ Methodes-alternatives
La question du choix des densités a déjà été abordée dans les numéros 90 et 91 de FLOREAL. Pour rappel, les plus couramment utilisées dans notre région sont de l’ordre de 1300 à 2000 plants par ha pour l’épicéa, 1100 à 1600 pour le douglas et de 1100 pour le mélèze. Le sapin et le pin sylvestre sont, le plus souvent, conduits en régénération naturelle. En cas de plantation, les densités sont plus élevées que pour les autres résineux : 2000 plants et plus par ha. Des densités inférieures sont possibles, notamment quand il existe une végétation d’accompagnement maîtrisée qui gainera les plants. Les dispositifs sont à étudier au cas par cas en fonction des conditions du chantier et des modes d’entretiens ultérieurs.
Quelques densités locales courantes en nombre de tiges/ha | |||||||
Espacements sur et entre lignes (m) | 2 | 2,5 | 3 | 3,5 | 4 | 5 | 6 |
2 | 2500 | 2000 | 1670 | 1430 | 1250 | 1000 | 835 |
2,5 | 1600 | 1335 | 1140 | 1000 | 800 | 670 | |
3 | 1110 | 950 | 835 | 670 | 555 | ||
3,5 | 820 | 715 | 570 | 475 | |||
4 | 625 | 500 | 415 | ||||
5 | 400 | 335 |
Source : Le renouvellement des peuplements réguliers (Société Forestière de Franche-Comté)
La qualité de la mise en place des plants constitue un point à ne pas négliger. La plantation en potet travaillé, c’est-à-dire avec un travail du sol localisé à la pioche, à la bêche ou mécaniquement, est un minimum. La plantation au simple "coup de pioche" n’est pas suffisante pour garantir une bonne installation du système racinaire, spécialement pour le douglas et le mélèze (sauf travaux de préparation du sol préalables). Des problèmes liés à une mauvaise installation (sujets qui se couchent voire dépérissent, y compris plusieurs années après la plantation), sont souvent observés.
Potets travaillés : Les racines doivent être bien réparties dans un terrain ameubli et les tiges installées droites (source CRPF Bourgogne)
Plants mal plantés : déformation racinaire (source AgroParisTech)
Autre précaution incontournable, analyser si l’équilibre faune-flore permettra la pérennité des plants. Dans la négative, en complément des démarches pour augmenter les prélèvements par le plan de chasse, il conviendra de mettre en place des protections contre les dégâts de gibier.
Enfin, les entretiens doivent être réguliers et adaptés aux plants et à la végétation concurrente.
La plantation de résineux est un investissement intéressant pour les propriétaires et vital pour la filière, sous réserve de prendre un certain nombre de précautions, depuis la prise en compte de la station jusqu’au respect des techniques à utiliser.
Le sujet est évidemment trop vaste pour en aborder tous les aspects en deux pages. FLOREAL approfondira certains de ces sujets dans ses prochains numéros. De nombreux ouvrages et sites permettent également de bien se documenter.
Citons, en plus des liens déjà indiqués ci-dessus, le guide technique récent "Réussir la plantation forestière" téléchargeable sur le site du MAAF. Signalons aussi la sortie du tome 3 de l’ouvrage "Les résineux" (Philippe Riou-Nivert), édité par le CNPF/IDF, qui traite des caractéristiques des bois résineux et de leur utilisation. Il ravira les propriétaires amoureux des résineux et ceux voulant en apprendre davantage sur ces essences passionnantes.
Cyril Vitu - CRPF
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