Gestion, réglementation et administration
Décembre 2017
Aujourd’hui, de nombreux faits nous montrent que l’équilibre forêt-cervidés est de plus en plus compromis, au bénéfice de populations de chevreuils présentes dans toute la région Grand Est et de cerfs, qui ne cessent de conquérir de nouveaux territoires. Les prélèvements en cerfs et chevreuils sont maintenant à des niveaux encore jamais atteints. La sonnette d’alarme est tirée et des mesures sont à l’étude pour améliorer cette situation. Mais à quoi servira-t-il de se battre et d’obtenir des mesures favorables à l’augmentation de la pression de chasse, si localement les propriétaires ne traduisent pas cette volonté auprès de leurs chasseurs ? Ainsi le bail de chasse et sa rédaction doivent être aujourd’hui au cœur des préoccupations de tous ceux qui sont en capacité de louer leur droit de chasse.
Le tableau qui suit résume la situation de chaque département vis-à-vis de la faculté de louer son droit de chasse ou de chasser soi-même, ainsi que la possibilité d’obtenir un plan de chasse cervidés. Des modèles de baux de chasse adaptés à chaque situation sont téléchargeables sur les sites internet du CRPF https://champagneardenne.cnpf.fr/n/l-equilibre-sylvo-cynegetique/n:1266#p6868 https://lorrainealsace.cnpf.fr/n/documents-de-chasse/n:2260#p4793
(1) Il existe des ACCA volontaires dans quelques communes des Ardennes, de la Marne et de la Haute-Marne.
L’exercice de la chasse est règlementé par la loi (code de l’environnement) et localement par les schémas départementaux de gestion cynégétique. Le contenu de ces derniers est opposable aux chasseurs, mais pas aux propriétaires. Ceux-ci peuvent aller au-delà du schéma dans certaines mesures. Ainsi l’agrainage et l’affouragement, sont autorisés de manière encadrée dans les schémas, mais peuvent être totalement interdits dans le bail de chasse. L’objectif à atteindre en matière d’équilibre forêt-gibier est défini par le code de l’environnement (Art L 425-4) complété par le code forestier. Il reste assez général puisque les dispositifs de protections sont cités comme un moyen d’y aboutir… Il n’existe par contre aucune règlementation spécifique à la location du droit de chasse. Le bail de chasse relève du louage des choses figurant dans le code civil (art 1708 et suivants). Le bail de chasse constitue un espace de liberté que le propriétaire peut utiliser pour préciser de manière contractuelle tout ce qui n’est pas prévu par la loi et les schémas départementaux. Profitez-en !
Le bail doit bien préciser qui est l’interlocuteur, avec quel niveau de décision, tant du côté des chasseurs que des propriétaires. Il y a lieu également de bien définir :
Il faut bien préciser dans le bail que la sous-location et la cession du bail sont interdits ou soumis à accord écrit du propriétaire et que le bail est résilié de plein droit en cas de vente de la propriété.
Le non-respect du minimum du plan de chasse est la 1ère clause de résiliation à formaliser. Dans les modèles, elle peut être actionnée à l’initiative du propriétaire dès la 2ème année de non réalisation constatée. Dès que l’on dépasse la surface minimale où l’on peut obtenir un plan de chasse, il est conseillé que le propriétaire fasse la demande après avis du chasseur ou idéalement, cosignée par les 2.
Il convient également de s’assurer que toutes les surfaces soient effectivement chassées, en demandant la transmission du calendrier des battues (dates et localisations). Prévoir également la possibilité pour le propriétaire de demander des modalités spécifiques de chasse sur des secteurs sensibles aux dégâts (tir des brocards préventif aux frottis aux abords des plantations par exemple).
Au chapitre interdictions, le propriétaire a tout intérêt à interdire certaines pratiques visant à attirer le gibier sur le lot dans le but de le maintenir en grand nombre dans la propriété (affouragement, agrainage en dehors des périodes de sensibilité des cultures, pierre à sel et autre goudron surtout aux abords de peuplements forestiers dégradables par les cervidés).
La pose de miradors et autres installations cynégétiques dans le but de faciliter le tir (ouverture de lignes de tir) sont par contre à encourager. L’efficacité de la chasse en dépend !
Prévoir les éventuels aménagements ou des travaux visant à faire émerger de la végétation semi-ligneuse car elle est plus appétante que les essences de production et permet de prévenir des dégâts à la sortie de l’hiver.
Il est important de prévoir le cadre dans lequel se fait l’indemnisation des dégâts de gibier sur la propriété, ceci quel que soit le département. En l’absence de clauses sur ce sujet, la responsabilité n’est reconnue que si le locataire a commis une faute qui doit être prouvée par le bailleur-propriétaire du fonds (responsabilité quasi délictuelle difficile à prouver). En revanche, demander contractuellement une indemnisation systématique de tout dégât paraît abusif ; il est donc préférable de fixer un seuil d’indemnisation dans le bail (30 ares et 20 % de dégâts dans les modèles). Pour éviter les conflits, il faut bien définir au départ les règles qui doivent être vérifiables sur le terrain.
Les frais de protection peuvent également être mis à la charge du locataire à condition de définir une limite d’engagement financier à ne pas dépasser (somme ou pourcentage du loyer).
En 2014, l’Office National des Forêts, au moment du renouvellement des baux de chasse, a annexé au bail de chasse un contrat dit "contrat sylvo-cynégétique". Le but est de garantir à l’État propriétaire, de pouvoir régénérer les essences principales du territoire sans protection. Béatrice Longechal ingénieure, chef de l’agence de Schirmeck répond à nos questions.
Q : En quoi consiste ce contrat ?
R : C’est une annexe du bail de chasse. Le bail court sur 12 ans et le contrat, lui, est évalué tous les 3 ans, ouvrant aux parties des possibilités de résiliation. Chaque partie s’engage. Le propriétaire (représenté par l’ONF) s’engage à réaliser des aménagements sur le terrain favorables à la faune sauvage, en liaison avec le chasseur. D’un autre côté, le chasseur s’engage à garantir au propriétaire selon la situation dans laquelle se trouve le lot de chasse, une stabilisation ou une diminution des dégâts et des populations.
Q : Quels sont les objectifs à atteindre et les critères d’évaluation retenus ?
R : Il n’existe pas de protocole unique en France. En Alsace, nous avons pris le parti de ne pas limiter l’analyse de l’impact de l’abroutissement des cervidés aux seules essences de production, mais de l’élargir aux essences secondaires et à la myrtille si elle est présente. Ainsi, ce sont 10 critères qui sont évalués et notés tous les 3 ans. Une note "objectif " est fixée dans le contrat. Si les 2/3 des placettes remesurées ont atteint la note "objectif ", l’objectif est considéré comme atteint pour le lot.
Q : Comment apprécier ces critères ?
R : Des enclos de 5 m de côté ont été installés. Aux alentours de ceux-ci (5 à 20 m) une placette exclos est suivie. Ce dispositif enclos/exclos est complété par le suivi de placettes, le tout dans des zones susceptibles d’accueillir de la régénération, donc dégradables. En Alsace, 565 enclos ont été installés et plus de 1 500 placettes. Le protocole prévoit de suivre une placette pour 10 ha de surface dégradable et en moyenne un dispositif enclos-exclos pour 40 ha de surface dégradable jusqu’à 120 ha. Le dispositif est dégressif au-delà.
Q : Quelles sont les conséquences pour le chasseur si la note n’est pas atteinte ?
R : Si la nouvelle note montre une dégradation significative ou un non-retour vers l’équilibre, c’est soit une augmentation de loyer de 10 % à 30 %, soit pour la situation la plus critique, la résiliation. Dans le cas contraire, c’est une diminution de loyer de 10 % qui est accordée.
On l’a compris, aujourd’hui bien plus qu’hier, les pratiques de chasse doivent être en adéquation avec les objectifs de gestion de la forêt. Attention à ne pas se laisser amadouer par des revenus de chasse mirobolants. Des calculs économiques réalisés en Alsace montrent qu’au-dessus de 40 € de revenus/ ha/an, on se trouve dans des situations où le surplus de loyer ne couvre souvent pas les surcoûts ou les sacrifices de production consentis (http://www.fibois-alsace.com/UserFiles/File/Plaquette-Chasse-BD.pdf).
En cas de déséquilibre, l’agrément du plan simple de gestion peut être refusé par le CRPF. Un 1er cas de refus de délivrance d’un certificat d’exploitation régulière par l’administration a été enregistré. Les dégrèvements fiscaux sont dans ces cas remis en cause (ISF, exonération aux 3/4 des droits de mutation à titre gratuit). PEFC a également exclu de son système de certification des propriétaires dont la forêt était en déséquilibre flagrant et qui ne prenaient aucune mesure pour le rétablir.
Le bail de chasse doit logiquement exprimer votre volonté de parvenir à l’équilibre... surtout en cas de problèmes connus.
Laurence CARNNOT - Pascal ANCEL
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