Juillet 2016
A 76 ans, Raymond d’Andlau témoigne d’une époque que "les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître". Celle des années 1975, où il a repris l’exploitation agricole familiale et ses 15 ha de forêts, et où il s’est lancé avec son épouse dans la création d’une pépinière forestière. 40 ans plus tard, la pépinière forestière n’est plus, mais la passion pour la forêt anime toujours Raymond d'Andlau.
Vous êtes de formation agricole et avez exercé à partir de 1962 le métier de conseiller agricole, d’abord dans le Cantal, puis dans le Bas-Rhin. Comment vous êtes-vous retrouvé à la tête d’une pépinière forestière ?
En 1975, après le décès de mon père, j’ai repris l’exploitation agricole familiale à Stotzheim. Passionné par la forêt, je me suis intéressé à la mise en valeur de nos parcelles forestières, notamment avec des plantations d’enrichissement dans des peuplements pauvres. Pour répondre à nos propres besoins en plants, nous avons mis en place une petite pépinière forestière sur 15 ares, dans notre jardin. Il y avait à cette époque une sensibilité de la forêt privée pour la plantation et une demande en plants feuillus, grâce aux bons-subvention du Fonds Forestier National. Epaulés par Jean-Louis Besson du Groupement de Développement Forestier du Bas-Rhin et de Gérard Armand de la Fédération de Vulgarisation Forestière de l’Est, nous avons alors agrandi la pépinière sur 5 ha. C’était la belle époque. Je me souviens d’une visite de Michel Hubert, de l’Institut du Développement Forestier, qui nous encourageait à produire du merisier : "Foncez d’Andlau, foncez" me disait-il.
Quelle était votre production et qui étaient vos clients ?
Nous étions spécialisés dans la production de grands plants de merisier et de plançons de peuplier de 1 an. Mais nous produisions aussi du frêne, de l’érable, du chêne pédonculé, de l’alisier torminal et du chêne rouge d’Amérique. 50 000 plants par an sortaient de notre pépinière.
Nous fournissions principalement la Forêt Privée. Nous avons beaucoup travaillé avec le CRPF de l’Ain. André Berte du Gedefor était également un client important pour la Meuse. "Il faut cibler la qualité" m’exhortait-il. C’est ce que nous avons fait : qualité et fraîcheur des plants étaient nos maîtres-mots.
Que s’est-il passé dans votre forêt pendant ce temps ?
Pendant les années où la pépinière tournait à plein régime, le temps m’a manqué pour faire tous les travaux nécessaires en forêt.
Mais j’ai tout de même réalisé des plantations de merisiers ou d’érables que je regarde aujourd’hui avec fierté, car les plants proviennent de ma pépinière. J’en connais la provenance, la qualité, la fraîcheur.
Je sais aussi qu’ils ont été plantés avec soin, car rien ne sert d’avoir de beaux plants s’ils sont maltraités lors de la plantation ! C’était aussi une époque bénie pour le frêne qui était alors recherché, particulièrement dans les années 90. Je me rappelle qu’une année, avec l’aide de Christian Mertz, nous avons vendu nos plus belles grumes de frêne à près 2000 francs/m3 ! Cela n’a malheureusement pas duré.
Plusieurs placettes de référence, installées par la FVFE, l’IDF ou le CRPF existent dans votre forêt. Qu’est-ce que cela vous apporte ?
Je n’ai pas de formation forestière et j’ai toujours recherché des conseils, des renseignements auprès des professionnels. J’ai volontiers accepté l’installation de placettes de référence dans ma forêt, car les résultats de ces mesures sont toujours intéressants. J’ai un souvenir ému d’un essai de peupliers, installé avec Gérard Armand en 1991 pour comparer la croissance de différents clones, et complètement ravagé par la tempête de 1999.
Cette tempête de 1999 a également mis fin à votre activité de pépiniériste ?
Effectivement, la demande en plants s’est effondrée après la tempête, la politique était en faveur de la régénération naturelle. En parallèle, la demande en sapins de Noël était à la hausse. Nous avons alors très vite décidé d’arrêter la pépinière et de développer la production de sapins de Noël. Nous avons produit 7 000 sapins par an, sur environ 10 ha, jusqu’en 2011.
Vous aviez donc à nouveau un peu plus de temps pour votre forêt ?
Oui, nous avons réalisé les premières éclaircies dans nos plantations de feuillus précieux, avec l’aide de Jean Braud du CRPF et de Christian Mertz de Cosylval. Sans eux, je n’aurais jamais consenti à couper les merisiers que j’avais moi-même plantés ! Et pourtant ces éclaircies étaient indispensables pour permettre aux plus belles tiges de se développer.
Vous avez été administrateur du Groupement de Développement bas-rhinois pendant près de 40 ans. Vous accueillez volontiers des groupes de forestiers dans votre forêt. Pourquoi cet attachement à partager votre expérience et votre passion pour la forêt ?
J’ai moi-même profité de très nombreux conseils des organismes de la Forêt Privée, et je souhaite les transmettre à mon tour. J’aimerais que la forêt dite paysanne soit plus motivée. Les propriétaires coupent et puis il ne se passe plus rien, on "laisse faire la nature". Mais cela ne suffit pas pour refaire une belle forêt. J’espère donner à d’autres propriétaires l’envie d’entreprendre dans leurs parcelles en partageant mon expérience et ma passion.
Et quels sont vos souhaits, vos projets pour le futur ?
J’espère qu’on pourra sauver le frêne ! C’était l’arbre prédominant dans ma forêt, avec de très beaux spécimens, et je ne voudrais pas le voir disparaître à cause de la chalarose. Je veux encore planter, acheter des parcelles forestières si l’occasion se présente. Et surtout continuer à travailler en forêt. Quand je suis dans mes plantations, je dégage, je taille, j’élague, je suis heureux.
Interview réalisée par Maren Baumeister - CRPF
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