Janvier 2017
La journée de la Forêt Privée du 17 septembre 2016 à Colmar a été l’occasion de nombreux échanges et témoignages dont FLOREAL s’est fait l’écho dans son dernier numéro. Elle a permis également de réaliser des interviews de personnalités pour la réalisation d’un film diffusé dans les bus et dans l’espace d’accueil. Ces échanges ont montré la multiplicité des points de vue sur l’activité des forestiers. Nous vous proposons de revenir sur les points saillants de ces réflexions.
Les enjeux nationaux sont connus. Le ministère, à travers les propos de Véronique Borzeix, Sous-directrice de la filière bois au Ministère de l’Agriculture, affiche un objectif d’augmentation de récolte de 12 millions de m3 à l’horizon 2026. Cela doit permettre de renforcer la compétitivité de la filière bois et de répondre à nos engagements de réduction de rejet de gaz à effet de serre.
Corinne Lepage, ancienne Ministre de l’environnement, souligne à ce sujet le paradoxe du déficit chronique important de la filière forêt bois alors que la France dispose d’une forêt très riche.
Les sylviculteurs, notamment à travers la voix de Vincent Ott, président du Syndicat des Forestiers Privés d’Alsace et du CRPF, se disent prêt à répondre à la demande mais ne sentent pas le marché en réelle tension : "Nous fournissons actuellement sans difficultés nos industries locales". Evrard de Turckheim, expert forestier et Président de Pro Silva France confirme le manque de débouchés pour certains produits. Thomas Formery, ex-directeur général du CNPF, insiste sur l’importance, au-delà de la mobilisation de bois, de la mise en gestion de plus de surface en forêt privée. Jean Maegey, président de Fibois Alsace, Frédéric Böhm, directeur de Cosylval, et Philippe Siat, président de la FNB et scieur, précisent que la possibilité de récolte supplémentaire se situe principalement dans les petites forêts privées de notre Région. L’objectif de 2,3 millions de m3 supplémentaires pour la région Grand Est semble cependant ambitieux !
Hervé le Bouler de France Nature Environnement (FNE) s’interroge sur l’utilité de mobiliser plus, alors qu’il constate que les efforts réalisés depuis dix ans en matière de récolte ont surtout profité à l’approvisionnement de chaudières bois et pour partie à l’export. Selon FNE, mais aussi certains autres interlocuteurs, il convient de renforcer au préalable l’aval de la filière.
Rémy Chabrillat, directeur des énergies renouvelables à l’ADEME note un besoin croissant en bois pour la construction et l’énergie et fixe, à moyen terme, un objectif de récolte de 70 % de l’accroissement biologique de nos forêts. Jean Jouzel, président du groupe scientifique d’experts du GIEC de 2001 à 2015, rappelle l’objectif de réduction par 4 de nos émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050 et pense que le bois a toute sa place dans cette stratégie.
Les propriétaires, gestionnaires et industriels interviewés sont unanimes pour saluer ce débouché supplémentaire mais à la stricte condition de ne consacrer au bois énergie que les sous-produits non valorisés par ailleurs. La production de bois d’œuvre doit ainsi rester la priorité. Hervé le Bouler, quant à lui, fait part de sa grande méfiance sur le développement rapide du bois énergie et y voit, s’il l’on n’est pas vigilant, une très grande menace voire une remise en cause de la gestion forestière traditionnelle.
Enfin, Corinne Lepage juge le bois énergie comme une opportunité si les projets sont initiés et gérés au niveau local où les intervenants sont au contact de la ressource du territoire. Elle émet, en revanche, de grandes réserves sur les très grandes unités fortement consommatrices de matière.
C’est un sujet très délicat, voire polémique, où les visions des industriels et des environnementalistes s’affrontent. Quand les premiers préfèrent un approvisionnement en bois de moyenne dimension, surtout résineux, pour des raisons de rationalisation de leur outil et d’adaptation à la demande de leurs clients, les seconds réclament la production de gros bois, de préférence en peuplements mélangés, afin de ne pas banaliser les milieux. Les sylviculteurs sont au centre de l’échiquier, partagés entre la nécessité de répondre aux besoins du marché et l’indispensable prise en compte des exigences écologiques. Certains regrettent le manque de débouchés pour les gros bois et appellent de leurs vœux une vraie recherche et développement pour faciliter l’utilisation de ce type de produits, notamment pour de petites unités en circuit court. Un élément complique l’équation : comment calibrer les productions mises en place aujourd’hui en forêt avec les besoins des industries de demain ?
Nos autorités de tutelle, à travers les propos de Véronique Borzeix, se disent confiantes sur la capacité des forestiers à pratiquer une gestion durable. Corinne Lepage, grand témoin de la journée, considère d’ailleurs le métier de sylviculteur comme consubstantiel à la vision de long terme et de gestion durable. Néanmoins, toutes deux notent un réel besoin d’explication des pratiques forestières auprès du grand public.
Les forestiers interrogés parmi lesquels, Bernard Naegel, sylviculteur en Haute- Marne, Jean-Marie Batot dans le Haut-Rhin ou encore Nicolas Bernhart dans le Bas-Rhin, intègrent parfaitement la gestion durable dans leur gestion quotidienne. Ils sont d’ailleurs tous trois certifiés PEFC. Ils concilient toutes les fonctions de la forêt, mais constatent néanmoins des demandes grandissantes et un regard de plus en plus critique du grand public. Les gestionnaires, aussi bien Evrard de Turckheim que Frédéric Böhm, considèrent comme indispensable la préservation des différentes fonctions de la forêt.
Enfin, si les exigences sont fortes vis-à-vis des forestiers et globalement bien appréhendées par ces derniers, Vincent Ott regrette que les retours pour les efforts consentis soient bien trop insuffisants pour les producteurs. Comme on le voit, les attentes vis-à-vis des forêts et des forestiers sont multiples et il faut néanmoins les concilier. Une chose est certaine, comme avertissent Vincent Ott mais aussi Hervé le Bouler, ce sont bien les forestiers qui seront montrés du doigt si des erreurs étaient commises. Leur responsabilité est donc pleinement engagée.
Cyril Vitu - CRPF
Vous pouvez retrouver l’intégralité du film "Les sylviculteurs privés : acteurs engagés de la filière bois et de la nature" ainsi que les témoignages du Président de la Région Grand Est, Philippe Richert, et celui de Véronique Borzeix, sur le site du CRPF Lorraine-Alsace.
NB : Le sujet très sensible de l’équilibre faune-flore constitue évidemment un élément déterminant pour l’atteinte des objectifs attendus, qu’ils soient qualitatifs, quantitatifs ou de préservation de l’environnement. Régulièrement abordé dans les colonnes de FLOREAL, Il n’est pas traité ici.
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