Juillet 2012
Floréal N°89 - Juin 2012
Le 11 mai dernier, dans la forêt privée du Mollberg près de Molsheim (Bas-Rhin), a eu lieu une démonstration de deux techniques de débardage encore mal connues des propriétaires privés : le câble-mât et la traction animale.
Le transport des bois par câble aérien et par cheval était encore très utilisé dans l'exploitation forestière jusque dans les années 50-60, époque à laquelle ces techniques ont été marginalisées par l'amélioration de la desserte et le développement de la mécanisation forestière. La nécessité de mobiliser le bois dans des zones inaccessibles pour répondre à une demande à la hausse, ainsi que des exigences nouvelles en matière de respect des sols, ont fait "redécouvrir" aux forestiers ces méthodes alternatives qui ont toutes deux bien évolué.
En salle d'abord, puis dans un peuplement de pin sylvestre, l'équipe de l'entreprise Bernhart Bois, dirigée par Nicolas Bernhart, présente le fonctionnement d'un câble-mât. A partir d'un mât télescopique monté sur un remorque, un câble porteur est tendu dans le peuplement à éclaircir et fixé en bout de ligne sur un arbre support. Sur ce câble, circule un chariot radio-commandé. Les arbres sont abattus en épis par rapport à la ligne du câble puis suspendus au chariot et transportés au-dessus du sol jusqu'à l'aire d'arrivée, au pied de la remorque. Là, ils sont façonnés par une tête d'abatteuse montée sur pelle.
Le câble-mât a bénéficié d'une série d'évolutions technologiques depuis la fin des années 1990. Un vrai bijou électronique ! Le contrôle électronique des différents treuils permet de moduler la vitesse d'avancement du chariot au passage des points délicats (supports intermédaires, rochers...), ou encore de programmer son arrêt automatique au point de déchargement. Les élingues (extrémités des câbles par lesquels les bois sont accrochés au chariot) à ouverture radio-commandée permettent en outre de décrocher la charge sans quitter sa cabine. D'où une sécurité de travail accrue.
(Photo : Maren Baumeister - CRPF)
Selon la longueur de la ligne, le montage et le démontage du câble-mât occupent chacun 2 hommes pendant un quart à une journée. "Ces temps improductifs pénalisent fortement cette technique au niveau de son coût" explique Nicolas Bernhart.
Selon la longueur de la ligne, le taux de prélèvement et le volume de l'arbre moyen, il faut compter entre 35 et 55 € le mètre cube pour ce mode d'exploitation. Ce coût est souvent à tort comparé à celui du débardage traditionnel, deux à trois fois moins cher : lorsque l‘on fait appel au câble-mât, c'est parce que les machines "ne passent pas" en raison d'une pente trop forte ou d'un sol trop engorgé ! Ce coût plus élevé se justifie aussi par les avantages environnementaux de cette technique : très peu de dégâts au sol et au peuplement restant, des cloisonnements d'exploitation réduits, d'où un impact paysager quasi nul.
Si cette technique a la faveur des écologistes, ces derniers doivent avoir à l'esprit deux conditions sine qua non pour sa mise en oeuvre : l'existence d'une desserte forestière pour accéder aux parcelles et un prélèvement minimum plus important que pour une exploitation traditionnelle (pour en savoir plus : www.cable-mat.fr).
Loin du bruit du téléphérique, Frédéric Destailleur de l'entreprise Ecotrait débusque avec son cheval ardennais, Odilon, les bois d'une première éclaircie dans de jeunes douglas situés en pente. La partie haute de la parcelle est encombrée de blocs rocheux, rendant le travail difficile pour un tracteur. Guidé par la voix ferme de son maître, le cheval se faufile entre les arbres. Grâce à sa maniabilité et sa faible portance, ce parcours se fait sans dégât au peuplement, ni tassement du sol. "Le dressage des chevaux de trait commence vers l'âge de 3-4 ans" explique Frédéric Destailleur. "S'il devient opérationnel après un an de formation, le cheval atteint son efficacité maximale vers l'âge de 9 ans. C'est le temps qu'il faut pour qu'il développe ses qualités de souplesse et de précision."
Photo : Maren Baumeister - CRPF
A l'exception des chantiers en milieux fragiles (zones humides, berges de cours d'eau...) où le cheval a l'avantage sur les machines, la traction animale ne peut pas concurrencer les engins traditionnels de débardage. C'est au contraire en association avec un tracteur, un porteur ou même un téléphérique que cette technique est la plus performante.
Le cheval présente en effet ses meilleurs rendements sur des courtes distances de traîne. Il peut efficacement rassembler les bois sur les voies de vidange, où ils sont repris par le tracteur et débardés jusqu'à une place de dépôt accessible au grumier. Associé au câble-mât, le cheval permet de rentabiliser la phase coûteuse d'installation des lignes en élargissant la zone de débusquage. Dans la forêt du Mollberg, Frédéric Destailleur travaille ainsi en duo avec un débardeur, pour un coût de l'ordre de 27 €/m3 (pour en savoir plus, www.debardage-cheval-environnement.com).
Le câble-mât ou le cheval n'ont pas pour vocation de remplacer le tracteur et le porteur, mais doivent être envisagés comme des méthodes complémentaires, qui permettent en particulier de répondre aux exigences demandées à l'exploitation forestière en matière environnementale.
Maren Baumeister - CRPF
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