Novembre 2013
Floréal n°94 – Septembre 2013
Dans Floréal n° 91, nous avions déjà évoqué le projet européen INTERREG(1) consacré au châtaignier. Ce projet s'est achevé avec la publication d'un guide de sylviculture pour cette essence, fruit d'une collaboration entre le CRPF de Lorraine-Alsace, le Centre de Recherche en Ecologie Forestière et Sylviculture de Rhénanie Palatinat et le Service Forestier de l'Ortenau en Bade-Wurtemberg. L'objectif de la brochure que nous vous présentons dans ce nouvel article : promouvoir le châtaignier et son bois, dont les qualités et le potentiel économique sont encore méconnus.
(1) Le projet INTERREG IV A Rhin supérieur "Le châtaignier dans la région du Rhin supérieur - Une essence rassemblant les hommes, les cultures et les paysages" a été financé par le FEADER et la Région Alsace.
Demandez au quidam dans quelles régions françaises l'on peut rencontrer du châtaignier, il est peu probable qu'il vous cite l'Alsace. Et pourtant, côté alsacien, cette essence illumine par sa floraison couleur miel tout le piémont vosgien. Elle y couvre au moins 2500 ha (source SERTIT) de Guebwiller à Wissembourg, avec une concentration dans la vallée de Kaysersberg et le Val de Villé. La châtaigneraie alsacienne se prolonge ensuite au nord sur près de 2000 ha en Rhénanie-Palatinat, en bordure du Pfälzerwald. De l'autre côté du Rhin, elle occupe 3 300 ha sur les premières pentes de la Forêt Noire, surtout dans la région de l'Ortenau. Vous êtes un peu perdus dans la géographie transfrontalière ? La carte ci-dessous vous aidera à localiser les châtaigneraies dans la région du Rhin supérieur.
Cultivé en Alsace depuis l'époque romaine, le châtaignier a fourni pendant des siècles des piquets de vignes et des feuillards pour cercler les barriques. Abandonné en viticulture au profit de résineux imprégnés ou de piquets galvanisés, il a été totalement délaissé après la seconde guerre mondiale.
Les taillis sont aujourd'hui largement sous- exploités et l'usage du châtaignier reste cantonné à celui du bois de feu.
Arbre nourricier des régions pauvres, succédané du chêne dans le mobilier ou le parquet, le châtaignier a longtemps véhiculé une image péjorative de "bois du pauvre". Pourtant, ses plus belles grumes sont aujourd'hui commercialisées outre-Rhin sur parc, aux côtés des feuillus précieux.
Depuis plusieurs années déjà, des forestiers des Länders limitrophes ont orienté la sylviculture du châtaignier vers la production de billons et de bois d'oeuvre de qualité.
En Rhénanie-Palatinat, les interventions dans les taillis visent à produire en 20 à 30 ans des perches et petits bois droits, sans noeuds noirs et sans roulure, très prisés dans les dispositifs de paravalanche et les aménagements extérieurs. Les sols de qualité moyenne et surtout la forte présence du chancre du châtaignier dans cette région expliquent le choix d'un itinéraire sylvicole court. Financièrement, ce dernier est intéressant, les prix sur pied pouvant atteindre 40 €/m3.
Dans le Bade-Wurtemberg, le châtaignier bénéficie de sols plus riches et d'une pluviosité plus abondante. Les conditions sont donc réunies pour la production de gros bois de qualité. Une sélection et un détourage précoce et dynamique de 70 tiges d'avenir/ha permettent d'obtenir en 60 ans des arbres de 60 cm de diamètre. Ces bois de qualité trouvent leur débouché dans l'ébénisterie à des prix allant jusqu'à 320 €/m3 sur pied pour les plus belles pièces.
En Alsace, on ne trouve guère de châtaigniers de qualité ébénisterie. Mais des tiges de qualité menuiserie, charpente, ou paravalanche, sont abondantes dans nos taillis. Les prix obtenus dans ces catégories sont encore inférieurs à ceux de nos voisins allemands. Plusieurs raisons à cela : les volumes commercialisés sont plus faibles, les coûts d'exploitation souvent plus élevés et le marché encore émergent. Mais les revenus des coupes sont néanmoins très attractifs, comme le montre l'exemple ci-dessous.
?Idéalement, les premières interventions dans un taillis de châtaignier doivent se faire entre 10 et 13 ans après la coupe du peuplement précédent. C'est la condition sine qua non pour la production de gros bois de qualité ébénisterie ! Pour du bois d'oeuvre de dimensions plus faibles, les éclaircies peuvent démarrer plus tardivement, jusqu'à 20 ans, mais doivent alors êtres modérées pour ne pas provoquer d'à-coups dans les accroissements et favoriser l'apparition de roulure. Les taillis âgés de plus de 20 ans ne sont plus guère améliorables.
Six itinéraires sylvicoles sont développés dans le guide "Le châtaignier, du bois de chauffage à la grume". Ils sont à choisir selon l'âge de vos châtaigniers, la qualité de la station et du peuplement et selon vos objectifs de production.
Pour chaque itinéraire, sont précisés les conditions minimales requises, les résultats attendus, les interventions à pratiquer. Cette brochure peut être téléchargée gratuitement sur le site internet du CRPF, ou demandée à notre antenne alsacienne.
Alors bonne lecture et à bientôt dans vos taillis de châtaignier !
Maren Baumeister – CRPF
Exploitation des châtaigneraies : des réalisations très prometteuses en Alsace !
Les taillis de châtaignier sont très présents dans les forêts privées des collines alsaciennes. Ils sont quelquefois utilisés en bois de chauffage, mais souvent abandonnés. Et pourtant le bois de châtaignier a beaucoup d’atouts technologiques et d’attrait esthétique ; il devient enfin un bois précieux en Alsace, comme dans les autres régions françaises et européennes.
Les différents produits exploités
Grâce au programme INTERREG consacré au châtaignier, le groupement Bois et Forêts 67 et la coopérative COSYLVAL parviennent à faire émerger un marché du châtaignier en Alsace et une véritable sylviculture. Le chantier réalisé cet hiver 2013 à Neuwiller-lès-Saverne, en est une parfaite illustration.
Le contexte : une châtaigneraie âgée de 40 à 60 ans, malade (avec un foyer de chancre) est à renouveler sur 43 ares. Près de 600 m3 de bois sont présents par hectare !
L'exploitation a permis de mobiliser :
soit un volume total de 260 m3, pour un revenu net de 5012 € soit 117 €/are ;
La valorisation du châtaignier en tant que bois d'oeuvre permet de dégager un véritable revenu, tout en produisant aussi du bois de chauffage !
Les grumes de qualité menuiserie
Une grande majorité de ces bois part aujourd’hui à l’exportation (Italie et Bavière), ce qui permet d’amorcer leur mobilisation à des prix attractifs. Le prochain défi sera peut-être de parvenir à les transformer localement si la filière de transformation en devient capable et si les consommateurs alsaciens sont intéressés !
Claude Hoh - Chambre d'Agriculture de Région Alsace - Animateur de Bois et Forêts 67
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