Gestion, réglementation et administration
Janvier 2019
La place importante du peuplier dans l’économie de la filière, sur le plan local et national, est incontestable. De nombreuses entreprises ont bâti leurs activités autour de cette essence. La demande de bois de peuplier de qualité ne cesse d’augmenter. Pourtant, la baisse de rentabilité, les problèmes sanitaires, les aléas climatiques sont des facteurs qui ne motivaient plus les propriétaires populiculteurs à reboiser, ni même à entretenir leurs peupleraies.
Ces dernières années, dans notre région, seulement environ 70 % des peupleraies exploitées ont été replantées. Une ressource qui diminue alors que les besoins augmentent : il est urgent de réagir et d’agir !
Depuis plusieurs mois, des signes encourageants d’une relance de la populiculture sont tangibles. La réindustrialisation, avec le nouvel essor d’une usine de déroulage dans la Marne, la montée en puissance d’une autre installée courant 2018 dans l’Aube et l’annonce de la construction d’une unité de déroulage et de fabrication de contreplaqué dans le même département courant 2020 est un facteur motivant. Cette situation combinée à une forte demande des industriels italiens a déjà un impact positif sur le prix du bois de peuplier.
Aussi, pour accompagner ce nouvel élan, dans le cadre de l’élaboration du Programme Régional de la Forêt et du Bois (PRFB), un plan Peuplier Grand Est a été décidé. Ce plan spécifique destiné à soutenir, redynamiser, développer et structurer la filière populicole régionale devrait se décliner dans un programme d’actions concrètes pour la période 2019 – 2026 ; ce programme serait soutenu par le Conseil Régional et porté par l’interprofession FIBOIS Grand Est. Le CRPF mettra à disposition de la filière ses compétences reconnues pour contribuer activement à mener à bien cette démarche.
La connaissance de la ressource et son suivi, l’accompagnement des populiculteurs pour une production de bois quantitative et qualitative, le soutien des entreprises pour une filière populicole performante et innovante sont quelques-uns des thèmes retenus dans ce programme.
La populiculture n’est pas toujours bien perçue par les associations naturalistes et certains environnementalistes. Plusieurs explications peuvent être avancées, comme la perception négative des espaces réguliers entre les peupliers, image artificielle du milieu considéré.
Contrairement à d’autres régions, la populiculture régionale n’est pas intensive. Il est effectivement très rare qu’un travail du sol en plein soit réalisé et répété. Les interventions populicoles sont plutôt concentrées les 1ères années de la plantation et localisées à proximité du plant.
Certaines pratiques comme le girobroyage systématique pour "faire propre" sont à proscrire car néfastes sur bien des points et antinomiques avec une rentabilité recherchée.
De même, certaines pratiques anciennes qui consistaient à drainer les milieux les plus humides pour tenter de les rendre propices aux peupliers, ont donné à la populiculture une image irrespectueuse des milieux naturels. Ils sont également à proscrire.
De la plantation à la récolte, le populiculteur doit tenir compte des spécificités et de la diversité des milieux alluviaux. Hors vallée, les interventions doivent être également réfléchies et adaptées. La connaissance des stations forestières, les outils techniques d’aide à la décision, les cultivars et leurs exigences diverses, l’expérience acquise grâce à une tradition populicole régionale reconnue doivent permettre aujourd’hui de pratiquer une populiculture raisonnée.
Il existe de nombreuses idées reçues sur le peuplier. Il est reproché aux peupliers d’avoir une consommation en eau excessive et d’assécher les milieux humides.
La consommation d’eau d’une peupleraie mature a été quantifiée. Elle est importante mais pour autant comparable à celle d’une aulnaie ou celle d’une prairie (https://www. peupliersdefrance.org/n/environnement-et-peuplier/n:1171/).
La décomposition des feuilles de peupliers tombées dans les cours d’eau a longtemps été accusée de désoxygéner l’eau et de la polluer. Des études plus récentes ont montré que les feuilles de toutes les essences libèrent des tanins toxiques. Quant à la désoxygénation de l’eau, elle dépend avant tout du débit du cours d’eau, de sa température, de son pH, et non de l’essence elle-même. Enfin, bien qu’inférieur à celui d’une ripisylve, le rôle épurateur du peuplier est bien réel, tant sur l’absorption des nitrates que des composants toxiques présents dans les sols ou dans l’eau.
Autre idée reçue : la faible biodiversité qu’ils abriteraient est souvent mise en avant. Des études comparatives de la diversité en espèces des forêts, des prairies et des peupleraies ont montré que ces dernières se situent entre les milieux ouverts et les forêts (A. Berthelot, R. Chevalier, F. Archaux, S. Gaudin - 2011 - "Biodiversité floristique dans les peupleraies cultivées de Champagne-Ardenne").
Elles abritent majoritairement des espèces généralistes mais aussi les espèces caractéristiques de ces 2 types de milieux, selon leur âge et la fermeture du couvert. De plus, les massifs populicoles sont souvent caractérisés par une mosaïque de parcelles de peupliers d’âges différents aux pratiques culturales souvent variées.
Dans un cadre de gestion durable, l’objectif d’un populiculteur doit être l’obtention en 15 à 20 ans, d’une bille de pied droite et sans nœud apte au déroulage de 6 à 7 mètres de hauteur pour un diamètre d’exploitabilité avoisinant 45 et 50 cm.
Le diagnostic du terrain à reboiser, avec l’analyse des potentialités du sol, est un préalable à toute plantation. L’essence doit être adaptée à la station forestière et non le contraire.
Si le sol est trop humide, ou s’il est trop sec pour installer une peupleraie, il sera préférable de réorienter le choix de l’essence voire de ne pas planter dans certaines situations.
L’absence ou un mauvais diagnostic peut conduire à l’échec de la plantation. C’est d’ailleurs une des principales causes. Le propriétaire souhaitant boiser ou reboiser devra s’il n’a pas les compétences s’entourer impérativement de celles d’un professionnel. La possibilité ou non d’installer une peupleraie est une chose, mais le choix du cultivar en est une autre.
Des documents techniques comme le guide des milieux alluviaux existent et sont consultables sur le net (https://grandest.cnpf.fr/) ou disponibles sur simple demande au CRPF.
Le choix des cultivars doit être guidé notamment par les caractéristiques du sol, la tolérance aux pathogènes et insectes, la résistance au vent, la branchaison et la qualité du bois.
La vitesse de croissance n’est pas un élément déterminant. Les cultivars actuels repris dans les listes des peupliers disponibles à la vente sont tous performants (https://www. peupliersdefrance.org/).
Dans les bassins populicoles, la plus grande diversité doit être recherchée pour lutter préventivement contre des pathologies éventuelles.
Au-delà de 2 ha d’un seul tenant, le choix devra se porter sur au moins 2 cultivars différents.
La plantation est réalisée en hiver, hors période de gel, pendant le repos végétatif. Les rémanents d’exploitation doivent être broyés et les souches arasées pour en limiter les rejets vigoureux mais aussi permettre les entretiens futurs. L’élimination totale des souches et le travail du sol en plein, de type labour, avant l’installation de la peupleraie sont inutiles.
Dans les grandes vallées de la région, la date de plantation est souvent conditionnée par la période et la durée des crues. Une attention toute particulière doit donc être portée à la conservation des plançons dans l’attente du moment opportun de la plantation.
Une densité de plantation de 204 peupliers/ha, soit un écartement de 7 mètres entre les plants est actuellement couramment usitée.
Une distance de plantation d’au moins 6 m d’un cours d’eau avec le maintien de la ripisylve doit être respectée. Les phénomènes d’érosion des berges et la chute des peupliers dans l’eau seront ainsi limités. Les milieux ouverts ou humides (mares, rus,…), présentant souvent une diversité importante, doivent être préservés.
L’installation des plançons, tige sans racine de 2 ans (catégorie A2), doit être soignée avec un outil adapté aux conditions de sol. Le plus souvent est utilisée une tarière hélicoïdale sur tracteur pour réaliser le trou de plantation. La pelle mécanique munie d’une dent de type sous-soleuse pourrait se développer car elle offre de très bons résultats de reprise dans de nombreux types de terrains.
On procède ainsi à une préparation du sol localisée qui ne perturbe pas le milieu. Les plançons doivent être enfoncés à 80 - 100 cm de profondeur minimum.
La partie ainsi enterrée doit absolument être en contact avec la terre.
Le tassement au pied du plançon, pour éviter les poches d’air, est une étape incontournable. La protection individuelle des plançons contre le chevreuil est souvent inévitable.
Celle contre le cerf est inefficace.
La reprise de 100 % des plançons et une bonne vigueur de pousse sont les signes d’une plantation réussie.
Toutefois, des aléas peuvent provoquer la mort d’un ou plusieurs plants. Les regarnis doivent impérativement intervenir l’année suivant la plantation.
Les entretiens doivent être adaptés à chaque situation. La concurrence en eau et donc en éléments minéraux par les adventices, et tout particulièrement les graminées grandes consommatrices, peut être préjudiciable pour l’installation et la croissance des peupliers les premières années. Le désherbage localisé au pied des plants a longtemps été préconisé et pratiqué. Aujourd’hui, la mise en œuvre de techniques alternatives par travail du sol ou paillage dégradables doit être recherchée, testée et vulgarisée. Les entretiens ne doivent jamais être systématiques, mais être réfléchis. Dans nos terrains de vallées riches chimiquement, la fertilisation n’apporte pas de gain de croissance significatif.
Elle est donc à proscrire.
Le broyage des ligneux dans les interlignes ne doit pas non plus être systématique mais répondre au besoin d’accéder aux lignes de plantations pour les tailles de formation et les élagages les 5 à 7 premières années. Le broyage en plein ne devra pas être privilégié, on préfèrera des passages 1 interligne sur 2 en alternant tous les 2 à 3 ans.
Le fauchage en plein de la strate herbacée n’apporte aucun gain de croissance à la peupleraie ! Au contraire, il augmente la consommation en eau au détriment de la reprise et de la croissance des plants.
Un entretien excessif et irraisonné risque à terme de détruire certains habitats remarquables des milieux alluviaux. Les périodes de nidification et de mise bas devront être évitées, dans la mesure du possible.
L’exploitation des peupliers est de plus en plus mécanisée. Dans ce contexte, la préservation des sols et des milieux doit être assurée. Le franchissement des cours d’eau doit intervenir dans le respect des règlementions. La période de récolte devra être choisie si possible pour minimiser les risques d’impacts négatifs sur le terrain. La réussite de la plantation visant à assurer le renouvellement du peuplement exploité en dépend directement.
Le maintien de quelques arbres morts, debout ou au sol, présente un intérêt pour la biodiversité. Leur valeur marchande ne justifie d’ailleurs pas leur enlèvement systématique. La conservation d’arbres morts debout nécessite toutefois de s’assurer qu’ils ne risquent pas de provoquer un accident.
Les industriels utilisant le peuplier ont besoin de démontrer que la matière bois qu’ils transforment provient de forêts gérées durablement.
L’adhésion du propriétaire à un système de certification forestière et le respect de son cahier des charges, apporte cette garantie. La démarche de certification devient indispensable pour la commercialisation des bois.
Avant toute exploitation, opération de reboisement ou de boisement, le propriétaire doit s’assurer que les opérations projetées sont conformes à la réglementation en vigueur.
Le CRPF Grand Est est à votre disposition pour toute information et conseils techniques.
Laurence Carnnot - Jean-Baptiste Wokan - Nicolas Vanderheeren
Il y a un peu plus d’un an nous quittait Bernard Pascat. Cet article sur la populiculture nous donne l’occasion de rappeler son engagement en faveur de la filière populicole.
Sa formation universitaire le prédestinait naturellement à s’intéresser à la culture d’une essence pour laquelle connaissance et développement ont toujours été étroitement associés. Après avoir acquis quelques parcelles et réalisé ses premières plantations dans les années 80, il s’engage dans les organisations professionnelles marnaises afin de porter les couleurs d’une production forestière, le peuplier, souvent marginalisé dans le concert des productions forestières régionales.
Administrateur du syndicat et du groupement de gestion, il prend la présidence de ce dernier en 2007 puis, toujours président, favorise le rapprochement et la fusion du groupement et de la coopérative en 2016.
Membre du groupe national du peuplier, il y partage son expérience pour initier des évolutions techniques, met à disposition ses parcelles pour permettre l’expérimentation de nouveaux cultivars et participe activement au suivi de ces essais.
Homme discret, au contact chaleureux et à l’enthousiasme communicatif, c’est un passionné de la culture du peuplier que la filière populicole régionale a perdu. Nul doute que les perspectives économiques nouvelles évoquées dans cet article justifient pleinement son engagement.
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